Une pause canadienne

6 Fév
Oui c'est beau ! Photo DR

Oui c’est beau ! Photo DR

Voilà, je délaisse croute_toujours pour quelques temps. Mais vous qui m’aimez (LAULE), vous pouvez suivre mes nouvelles aventures ici. J’espère que vous ne serez pas déçus du voyage !
A bientôt !

Delphine

Le défilé des fées

31 Jan

Vendredi soir, dans une concession automobile de Haguenau, Deborah Baumgarten, jeune couturière, (on en avait déjà parlé ici ) présentait ses créations. Sur le tapis noir, vêtus de ses plus belles tenues, des amies, des membres de la famille. Dans le public, de sombres inconnus prêts à plonger dans l’univers fantasmagoriques de la styliste aux doigts de fée.

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Crédits photos: DJ

Dans la cave, les abeilles ouvrières s’activent. Leurs petits doigts fins et aux gestes méticuleux s’occupent de prendre soin des reines qui défileront dans quelques heures, avec les tenues confectionnées par Deborah Baumgarten, couturière installée à Nordheim.

Krystel, la maquilleuse a encore du travail. Si le début de l’après-midi lui a permis de peindre entièrement le corps de Rachel, l’heure tourne désormais, et il reste encore une vingtaine de filles à maquiller. Adeline, la coiffeuse n’est pas en reste. Mais avant de passer entre leurs mains expertes, les mannequins novices doivent mettre la robe que Déborah leur a choisie. Du tafta, de la dentelle, des imprimés… Sans oublier les accessoires: mini chapeau, headband des années folles, sacs à main de soirée et ceintures, rien n’est oublié. Au milieu des caisses à outils, ampoules et pots remplis de vis, des tenues élégantes et raffinées pendent, accrochées aux cintres, en attendant qu’une nymphe s’y glisse.

Pour Deborah, chaque détail compte. Elle court partout. « Maman, tu peux t’occuper de nouer les rubans de la ceinture? » demande-t-elle pendant que son mari, Thomas, descend de temps en temps dans la ruche pour briefer les demoiselles: « Marchez lentement, au moins une minute. Vous faites des poses de temps en temps et surtout, vous ne souriez pas à pleine dent… » Les modèles sont interloqués. « Dans un défilé, les gens viennent regarder les vêtements, pas les visages de celles qui les portent », poursuit-il. « Ils feront quand même ce qu’ils veulent… » lance, un brin malicieuse, Danièle, la maman de la créatrice.

De leur côté, les filles arrivent au compte goutte. Toutes les générations sont représentées pour l’événement. « On voulait que les gens s’imaginent dans ces vêtements. Ça ne sert à rien de faire un défilé s’ils ne peuvent pas s’identifier aux modèles. Les filles devaient être normales, pas filiformes… », affirme Thomas. Derrière lui, Lucie attend d’être maquillée patiemment. Son teint est blafard et uniforme. Comme si on y avait déposé à la truelle une couche de crépis. Même ses cils sont clairs. « C’est la sous-couche avant le maquillage pour que la peau ne brille pas sous les spots », explique la maquilleuse. Puis Lucie s’assoit, le sourire aux lèvres. La bonne humeur règne. Elle ferme les yeux. Lève le menton et se laisse faire, les mains délicatement posées sur les genoux. Krystel est précise. Elle ne tremble pas d’un poil. Sur le dessus de sa main, une palette de couleurs étalées dans lesquelles elle trempe de temps à autre un fin pinceau. Le teint pâle de Lucie s’illumine. Une touche de rouge sur les lèvres, un trait délicat de crayon sous les yeux et le tour est joué. Son headband rouge lui donne l’allure d’une danseuse de charleston.

Deborah voulait que son défilé transporte les visiteurs dans un jardin féerique. Chacune des modèles sera l’une des nymphes de ce paradis enchanté. « Celles qui ne porteront pas d’accessoires dans les cheveux auront un bijou de front dessinés à la main », détaille la couturière. L’effet est saisissant. Certaines semblent sortir tout droit d’un conte de Tolkien. L’une d’elle glisse son pied dans un escarpin blanc et le ferme délicatement. Sa robe blanche et longue lui donne de la légèreté. Ses yeux sont mis en valeur par un maquillage vert clair et une cape émeraude complète sa tenue. Toutes les filles sont splendides. C’est désormais au tour d’Aigline de passer entre les mains d’Adeline. Le sèche cheveux marche à blinde depuis plusieurs heures maintenant. La coiffeuse enroule le cheveux autour d’une brosse ou fait chauffer le lisseur duquel une légère fumée s’échappe et se mêle à celle de la laque.

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Entre deux retouches, Deborah prend le temps de se maquiller et de se changer rapidement. Elle aussi défilera sur le tapis comme tous les grands couturiers après leur show. Son corset est enfin bien serré, son camée bien épinglé et à ses pieds, des escarpins avec des licornes dorés comme talons ne cessent d’étonner. Les blagues fusent, les dernières cigarettes se savourent pour les plus anxieuses. D’autres ne diraient pas non à un petit remontant. Krystel est en panique: « Il faut qu’ils gagnent du temps, qu’ils blablatent un peu plus, je n’aurai jamais fini dans les clous ». Le timing est serré mais finalement parfait. C’est désormais du côté des modèles que le stresse monte. L’attente semble interminable. Les lèvres tremblent. Les cœurs s’emballent. « J’aurais préféré passer la première je crois », souffle l’une des mannequins. Une deuxième s’inquiète en réajustant son délicat décolleté: « Je ne vois rien sans mes lunettes, j’espère que je ne vais pas tomber ».  La première revient de son passage sous le feu des projecteurs. C’était la belle-mère de Deborah. Elle était vêtue de noir, un miroir et une pomme à la main, une cape sombre sur le dos. Elle tente de rassurer les suivantes: « Ça se passera bien ». La suivante termine son passage: « Franchement, tout le monde à les yeux rivés sur nous, c’est horrible. Je ne savais pas où regarder ! » Chacune des fées revient tout de même le cœur léger. Et quand Deborah leur demande: « Vous le referez? » en pensant déjà au prochain, elles se regardent et malicieusement répondent « Peut-être… »

Delphine Jung

[ Découvrez Deborah Baugmarten ici ]

 

 

Vis ma vie de vendeuse: J3

16 Jan

Le jour où j’ai réussi à faire un top 10 des clients

Voilà, aujourd’hui, c’est mon dernier jour. Autant dire que j’ai le recul nécessaire pour établir un petit top 10. LAULE.

Numéro 1 La vieille riche qui est tombée dans CE magasin mais qui cherchait en fait les Galeries Lafayette: Souvent, elle sent très fort. Vous savez, ce parfum qui évoque à lui seul l’égo surdimensionné et les manières hautaines de ce genre de femmes. Je les repère assez vite du coup. Elle s’approche avec son petit air supérieur et tire une moue devant l’étal (pourtant bien rangé n’est-ce pas). Elle prend chaque vêtement en pinçant son pouce et son index. Il ne faudrait pas que ses mains douces soient salies par le « bas-de-gamme ». Dans son extrême bonté, elle tente souvent de replier ce qu’elle a déplié. Mais comme il ne faut pas trop toucher vous savez…

 

Ce sont souvent elles qui viennent et me demandent: « Vous avez des pyjamas 100% cotons? »… « Heuuu tu crois que j’ai que ça à faire de plier en regardant la composition de chaque fringue??  » « Heuuu il doit y en avoir oui ». Ensuite, elles te prennent souvent comme une vendeuse à leur service personnel: « Vous pouvez me chercher ça en taille M? » « Cherche toi même pétasse. » « Oui bien sûr, attendez ». C’est là que tu te retrouves à déplier TOUTE la jolie pile de t-shirt que tu viens de faire. Pour ne pas trouver de taille M. Le plus souvent, c’est là que la vieille riche venue ici par erreur s’en va.

Numéro 2 L’adolescente peinturlurée: Ce spécimen se balade généralement en bande. C’est déjà physiquement qu’elle se fait repérer. La plupart du temps, elle est glossée. Fond-de-teinturée. Bien coiffée avec sa petite pince à cheveux fluo. Elle mâche ostensiblement son chewing-gum et laisse apparaître un piercing à la langue. Elle en a aussi un à côté de l’œil ou de la lèvre. Doré. Elle a forcément sur elle un accessoire imprimé léopard et porte son sac à main le coude plié.

En bande, je les entends glousser dès leur arrivée. Honnêtement, ce sont presque les PIRES. En plus de parler extrêmement fort elles te foutent le bordel dans tout ton étal. Quand je dis tout l’étal, c’est vraiment TOUT l’étal. Elles prennent toujours l’article du haut de la pile, le déplient, le regardent et le jettent à 10 mètres après l’avoir furtivement montré à l’une de leur « coupines » (oui, entre elles, elles sont cOUpines). Et elles font ça comme des exécutants de peloton. Mécaniquement. Leur plan suit simplement les contours de ma table. Le pire, c’est lorsque l’une d’elle dit à sa voisine: « Haaa celui là regarde, il est trop beau (souvent, c’est le plus moche de la table). Je l’ai acheté hier ! » « Alors pourquoi tu le reprends en main, tu le déplies et tu le balances sur la table d’à côté? » . C’est à elles qu’on attribue le plus souvent l’existence des Vêtements Volants Qui N’ont Rien à Faire Sur Ta Table (VVQNRFSTT) et qui viennent de la table à 50 mètres.  Leur mission – et ce n’est pas possible qu’il en existe une autre -, c’est de ne surtout RIEN acheter mais foutre un maximum de bordel dans le magasin. Ce sont souvent elles que j’ai parfois regardé méchamment.

Numero 3 Les hystériques : Une semaine avant les soldes, elles sont à peu près dans cet état. Et cet état ne retombe jamais.

Elles aussi, viennent le plus souvent en bande. Ce sont les seules à te demander l’un de ces sacs à cabas géants pour le remplir AU MAXIMUM. Je suis sensée adorer ces clientes, car elles vont consommer. Et au moins, elles vont se contenter de déglinguer ma table en silence. En me regardant ranger. Amen.

Numéro 5 La gamine de 13 ans: Il y a deux catégories dans cette même catégorie. La gamine de 13 ans qui vient sans sa mère et celle qui vient avec. Celle qui vient sans est (a priori) une future ado peinturlurée. Elle en a déjà les mimiques en tout cas: port de la tête bien haut. Dégaine hautaine. Sac à main comme il faut. Et elle paie le plus souvent avec un gros billet de 100€. Merci Papa Noël. Celle qui vient avec sa mère est plus calme. « Vous avez quoi en plus petite taille de soutien-gorge? » demande la mère en montrant sa fille d’un signe de tête. « Du 80A je crois… » Sa fille est plate comme une planche à pain avec deux Smarties plantés de part et d’autre. Bon courage.

Numéro 6 Le mec blasé qui suit sa copine: Celui-là, il reste à l’écart. Collé à la barrière anti-vol de l’entrée. Jusqu’à ce que le gars de la sécurité lui explique: « Excusez-moi, vous pouvez vous décaler? En fait vous êtes juste au niveau du compteur automatique ». Mine déconfite du client. Du coup, les mains dans les poches, il retrouve sa douce. Pas vraiment intéressé par son shopping. Mais au moins, il ne touche à rien.

Numéro 7 Bonnie & Clyde: L’ado peinturlurée + son mec avec cette coupe de cheveux:

Tous les deux sont unis par le même but: mettre le bazar en criant. Et c’est encore mieux quand ils ont un gamin dans une poussette GÉANTE. (Avis aux fabriquants de poussettes: merci d’arrêter avec vos poussettes géantes. Elles ont un problème: elles sont géantes. Et en plus, y en a qui les utilisent pour voler des habits dans le magasin.)

Numéro 8 Les bien élevées: Souvent, ce sont celles qui te disent « bonjour » avant même que tu aies le temps de lancer le tien. Et puis elles sourient. Elles compatissent: « Hé ben, vous en avez du courage », « Ma pauvre, je vous plains » etc. Des filles bien quoi. Ce sont elles qui vont joliment replier ce qu’elles ont pris en main.

Numero 9 Les connasses: Oui, en fait, il y a pire que les mémés qui puent le Chanel n°5 (oui parce que bon, faut arrêter, il pue le Chanel n°5). Pire que les grognasses über-maquillées. Celles-là, je ne les ai pas trop observées tellement elles m’ont énervée. Elles arrivent (sans dire bonjour), te regardent droit dans les yeux en te disant « Vous n’avez pas fini de plier ma pauvre », tout en déglinguant ton rangement. Comme ça. SANS AUCUNS SCRUPULES. Et toi, ben tu dis rien.

Numéro 10 Celles qui te prennent pour leur Cristina Cordula perso: Elles sont assez rares. Mais tellement lourdes. Elles pensent que ton boulot, c’est de les conseiller. Mais juste elles. Ça commence souvent gentiment. « Vous taillez comment? »

 

Vous taillez comment? Vous taillez comment? Réfléchissez au sens de cette question. C’EST QUOI CETTE QUESTION? « Ben en fait, on taille avec un burin et un marteau« . « Normal, un M par exemple correspond à du 38/40 ». Elle t’a alors mis le grappin dessus. « Vous l’avez en noir ça? » « Vous pensez que ce haut ça irait avec ce bas? » « Vous croyez que ça m’irait ça? », « Vous n’en n’avez pas en stock? », « Vous pouvez me chercher un short taillé comme ça? Je crois que ça va avec ma morphologie ». Elle te fait perdre ton temps plus qu’autre chose. Mais tu ne peux pas l’envoyer bouler.

Heureusement, il y a aussi plein de gens normaux qui n’entrent dans aucune catégorie. Et parfois, il y en a qui sont un peu tout à la fois. Quoi qu’il en soit: Ouf, aujourd’hui, c’est mon dernier jour !

En partant, je serai un peu comme ça:

Puis en rentrant:

Vis ma vie de vendeuse: J2

14 Jan

Le jour où j’ai arrêté de croire en l’humanité

[Soutien-gorge cintrés: 40; « Allez-y, tout est à -50% » criés: 3; Regards méchants lancés: 0: Envies de meurtre: 25;]

Je dois vous l’avouer: j’aurais du travailler à la boutique jeudi et vendredi, mais j’avais la grippe. Si si. Ce n’est pas un subterfuge pour éviter de voir l’horreur de notre société en temps de soldes. C’est donc plus ou moins fraîche que j’arrive le samedi, à 15h. J’entends ma chef donner quelques consignes: « Tu mets les meilleures en zone 1 et 3… ». Je suis placée en zone 1. Tu m’étonnes ! Je suis tellement une psychosée du rangement que je dois être l’une des plus au taquet.

Je rejoints la zone 1. Je m’arrête net quand je la vois. En fait, il n’y a plus vraiment de zone. Il y n’y a plus vraiment de table non plus. Il y a des tas. Même pas de fringues. Ce sont de boules de tissus. Entassées, mélangées. Le tas commence au sol, même pas sur les étals, car toutes les piles sont tombées. Je ne vois même plus ma collègue Virginie qui est de l’autre côté de cette montagne de vêtements. C’est un attentat ! Des débardeurs de la table en zone 3 ont même réussi à voler jusqu’à la nôtre. Virginie a complètement baissé les bras, dépassée par les événements. « Comment tu fais Delphine? », me demande-t-elle. OK. On va tout reprendre à zéro: règle n°1: ne pas se laisser déborder par le foutoir, d’où la règle n°2: ne pas laisser ledit foutoir s’installer. Sinon, t’es foutue. Le moindre truc que repose une cliente, ce sera 99% du temps mal reposé. Tu le reprends, tu le replies, tu le reposes. Je l’aide donc à reprendre le pouvoir sur sa table. Peu à peu, on y retrouve, au bout d’une heure, un peu d’ordre. L’ordre est relatif durant les soldes. Ma collègue souffle un peu. Je crois qu’elle ne reviendra pas la semaine prochaine. C’est le regard vide et en même temps soulagée qu’elle me laisse. Je m’attendais à perdre quelques compagnons de tranchée car le combat est rude. Encore plus le samedi.

Prendre une pause = quitter le navire = revenir lorsqu’il aura couler

 Le samedi d’ailleurs, pour les clientEs (et je n’ai pas peur de dire CLIENTEEEEEUUUUHHH) c’est un peu comme un soir de pleine lune pour les loups-garous. Elles se transforment. Je me retrouve vite coincée entre deux nanas qui remuent toute la table. Elles ne réalisent même pas le bordel qu’elles sont en train de m’y mettre. Derrière, la corset’ tient à peu près le coup. Elle résiste. C’est plus facile de faire un carnage dans une pile de short.

J’ai depuis longtemps laissé tomber le sac gigantesque à proposer aux clientes. Qu’elles se demerdent. Ce sac à cabas est plus encombrant qu’autre chose et m’empêche d’avancer dans ma lutte pour l’ordre. Je ne beugle plus non plus le blabla sur les -50%. J’ai d’autres priorités. Sur ma montre, l’heure tourne et mon envie de prendre ma pause prend de l’ampleur. Mon dos n’en peux plus et j’ai envie de toutes les étouffer avec ces shorts hideux. Mais une partie de moi le sait: « Prendre une pause = quitter le navire = revenir lorsqu’il aura couler = repartir avec un radeau percé pour reconstruire un navire ». Et puis merde. J’y ais droit à ma pause. Mais je culpabilise, assise dehors, sur les marches froides de l’immeuble d’à côté. Lorsque je reviens, 5 minutes plus tard, ma table ressemble à ça: (Vous pouvez le dire, elle ne ressemble à rien).

Oui c'est flou. Qu'on me pardonne. Crédits: DJ

Oui c’est flou. Qu’on me pardonne. Crédits: DJ

Je me rends compte du réel problème (si on écarte que la base du problème = le client). Il y a 3000 fois trop d’articles sur cette table qui est beaucoup trop petite. Forcément les piles sont immenses. Forcément elles tombent. On respire, on prend sur soi et tout ira bien. Je jette alors un coup d’oeil à la corset’. C’est par là que je vais (re-re-re)recommencer l’arrangement de ma zone. Je ne sais pas si les femmes deviennent profondément débiles en période de soldes, mais je me demande. Elles ne savent même plus raccrocher correctement un soutien-gorge ou un shorty. J’en sors des portants par paquets. Tout est enguirlandés. Et ma tête à ce moment là, c’est à peu près celle-là:

Et ce que je vois, c’est ça:

Crédits: DJ

Crédits: DJ

Putain encore quatre jours.

 

Vis ma vie de vendeuse: Jour J

11 Jan

Le jour où j’ai compris que pendant les soldes, s’il y a du bordel, ce n’est pas à cause de l’incompétence des vendeuses, mais bien de la négligence des clients.

[Soutien-gorge cintrés: 15; « Allez-y, tout est à -50% » criés: 25; Regards méchants lancés: 1]

Ça y est, je suis dans la place ! Ou plutôt dans ma zone. La zone 1. Je suis de bonne humeur lorsque j’annonce à ma collègue que je prends la relève. Elle me lance: « Ohhh merci, j’en peux plus, c’est horrible ». Ha. Ça donne envie… Pourtant, elle s’est bien débrouillée. La table centrale est pas mal et la corset’ (soutien-gorge et culotte d’un côté, boxers pour hommes de l’autre) est proprement alignée sur ses portants. J’ai à peine le temps d’observer ma zone, que des clientes entrent dans le magasin telle une tornade, armées de leurs gigantesques sacs à main et prêtes à en découdre avec l’ordre qui règne sur ma table. Tel un mauvais sort jeté contre moi, ces forces de la nature ont décidé aujourd’hui de détruire mon travail. De 15 h à 20 h. Elles saisissent un short, le retournent, le reposent, elles en prennent un deuxième, fouillent dans ce qui devient rapidement un tas. Il y en a des doux, d’autres en laine, des imprimés léopards, des unis, des très moches aussi (celui avec les sept nains de Blanche Neige est vraiment affreux, d’ailleurs, peu de clientes le prennent en main).

C’est comme essayer de remplir un sceau percé.

Patiemment, je reprends ce qu’elles ont reposé et m’empresse de tout replier. Très vite, je me retrouve face à un problème de taille: il me faudrait une table vide à côté, pour rassembler au moins les modèles avant de les replier. Je ne dispose pas de cet espace. C’est assez troublant. Et énervant. Du coup je superpose. Je fais mon tas de short en satin noir sur celui de short imprimés Bambi, qui lui-même est posé sur un tas désorganisé. En arrivant dans ma zone, j’étais plutôt soulagée de voir que j’avais surtout des fringues à plier plutôt que des balconnets à cintrer. Mais je vais vite comprendre mon malheur: C’est comme essayer de remplir un sceau percé. Encore et encore. C’est comme pousser cette pierre en haut de la montagne, la voir rouler de l’autre côté et recommencer la manœuvre. Le mythe de Sisyphe vous connaissez?

Bizarrement, ma patience tient bon. Je crois que ça vient du fait que j’aime les choses bien rangées. Mais au bout de deux heures de pliage, repliage, re-repliage, RE-re-repliage, ça devient frustrant. A peine je termine de remettre en place un bout de la table, que dix secondes (et encore…) suffisent à un groupe de harpies d’une quinzaine d’années pour tout remettre en désordre de l’autre côté. Et je ne peux qu’observer mes efforts partir en fumée. C’est horrible. Je prends sur moi. Mais plus le temps passe, plus j’ai envie de leur demander gentiment de respecter mon travail. Puis de leur lancer des regards destructeurs. Puis carrément de leur gueuler dessus. Voir de créer avec mes bras un périmètres de sécurité: « PAS TOUCHE! » C’est tout de même pas compliqué de reposer joliment un article qu’on a déplié non ? Les pires, ce sont ces jeunettes de 17 ans, peinturlurées au possible, fond de teintisées comme des Maserati et qui mâchent ostensiblement leur chewing-gum faisant claquer leur langue. Celles-là, elles ne regardent même pas les articles qu’elles prennent en main. Elles les jettent directement 50 cm plus loin. Comme si c’était drôle.

Ma zone est très bien rangée oui. Crédit: DJ

Ma zone est très bien rangée oui. Crédit: DJ

Heureusement, certaines clientes sont plus sympas: « Vous êtes vendeuse ici? Vous pensez que ça m’irait bien ça? », me demande une cinquantenaire en apposant sur elle une nuisette rouge. « Oui, vous avez le teint mat, les cheveux noirs, c’est une couleur qui vous va bien », je lui réponds. J’ajoute: « Et puis de toute façon, vous avez 30 jours pour échanger ou vous faire rembourser ». Je suis déjà experte ! Je lance même un « Allez-y, tout est à moins 50%! » J’ai osé. Et j’ai honte. Mais au bout d’un moment, ça devient presque mécanique. Comme plier sans réfléchir. Je me dis que le rangement appelle le rangement et que les clients ont bien plus de scrupules à tout envoyer bananer lorsqu’ils voient une table rangée (rangée dans le sens « rangée pendant les soldes », ce qui abaisse le niveau d’exigence du rangement).

Il est 18h30, cela fait 3h30 que je travaille et je n’ai encore pris aucune pause. Cette fois c’est le moment, les pires clients sont passés. Ma chef me lance un regard un peu sceptique: « Elle est comment ta zone? ». « Franchement, elle est nickel », je lui réponds en regardant la table de la zone 3 qui ressemble à un stand de braderie après un bombardement. « Bon, ok, tu peux prendre une pause ». Je me dis « J’avais pas besoin de ton accord! » A 19h40, il n’y a plus que deux clientes dans le magasin. Comme ma zone est quasiment parfaite (si si, j’ose le dire), je dois récupérer le bordel d’une de mes collègues qui n’a pas sût tenir la sienne. La zone 3 justement. C’est assise par terre, à côté d’un tas de vêtements, que je commence à trier. A 20h15 je pars, le dos en compote et surtout les épaules détruites. Ma chef nous félicite et ajoute: « N’en rêvez pas trop cette nuit ! ».

Vis ma vie de vendeuse: cintre 1-0 delphine

8 Jan

Ce mois-ci, en plus de mes piges, j’ai décidé de poser mon CV dans les enseignes de prêt à porter grenobloises dans l’espoir que l’une d’elles, malgré mon manque total de qualification dans le domaine, me donne la chance unique de vivre les soldes de l’intérieur. Moi maso ? Pas du tout. J’adore la mode. Les tissus. Cristina Cordula. Les clients hystériques. Plier. Replier… Non, en fait j’avais juste besoin d’argent. Une marque de prêt à porter de lingerie et de vêtements de nuit me donne ma chance. Bizarrement, je suis plutôt excitée. Quelques jours avant, en flânant dans les boutiques, je me surprends même à étudier la manière dont les brassières et les tangas sont accrochés aux cintres. Histoire d’être rodée.

 

«Les soldes chez nous, ça ne se passe pas comme aux Galeries Lafayette ou chez Minelli »

A la veille de cette épidémie de fièvre acheteuse généralisée, je retrouve donc les autres filles qui seront là pour ces quelques semaines. Elles doivent être aussi maso que moi. Ou au moins autant en manque de beurre dans leurs épinards. On nous donne deux t-shirt de la marque. Sympa ce petit cadeau. Je comprends très vite que c’est surtout pour que l’on puisse se repérer entre vendeuse : « Parce que demain, il y aura tellement de monde que vous ne vous verrez plus. » Puis, on nous briefe : « Devant vous, vous aurez quelque chose comme ça sur les étals », explique l’assistante de la manager, Carine, en nous montrant une pile de soutien-gorge, culottes et débardeurs entassés de manière grossière. Bon. Je m’en doutais, jusque là je ne suis pas vraiment surprise. Le foutoir ne me fait pas peur. Ensuite, elle s’approche des portants et décroche la moitié des petites culottes. Elles pendouillent à moitié dans le vide. « Et ici, ce sera comme ça sur toute la longueur du portant. Les soldes chez nous, ça ne se passe pas comme aux Galeries Lafayette ou chez Minelli ». Les filles autour de moi ne réagissent pas trop et écoutent attentivement, les bras timidement croisées derrière leur dos. Carine nous donne alors à toutes un cintre et un soutien-gorge et nous montre la manœuvre à suivre pour bien le raccrocher. La démonstration à peine terminée (elle a duré 10 secondes), j’ai déjà oublié le premier mouvement. Je me dis que ce ne doit pas être si compliqué. J’essaye. Dans ma tête, j’ai l’impression d’être dans un cours de géométrie dans l’espace. Et j’ai toujours été nulle en géométrie dans l’espace. « Est-ce que la bretelle passe devant puis derrière ? » « Et ce truc il sert à quoi dans l’accrochage ? ». Je tente. Raté. La vendeuse me fait remarquer que la fermeture est bien trop haute. Puis trop basse. Après 5 minutes, je suis la dernière à n’avoir toujours pas réussi à recintrer correctement un soutien-gorge. Je m’exclame : « Il doit y a voir un problème avec le soutien-gorge ». Regard circonspect des autres filles. Bon, il faut croire qu’on n’est pas là pour rigoler. Je me sens pataud. Gauche. J’ai le sentiment de découvrir pour la première fois que j’ai des doigts et je vis l’un de pires moments de solitude de ma petite vie. Après une dizaine d’essais j’y arrive enfin. On me dit surtout que « ça va » pour passer à la suite : les culottes. Je suis un peu plus à l’aise. Juste un peu. « Je vous donne à chacune deux cintres. Vous vous entraînerez ce soir ».

Crédit: Touchstone Picture

Crédit: Touchstone Picture

Après ces travaux pratiques – traumatisant pour ma part. Je suis au niveau – 1000 de la confiance en soi côté travaux manuels – , la manager nous explique « l’ambiance soldes ». Si on peut parler d’ambiance : « Le client qui entre, pour nous, c’est un cadeau. Il va acheter. Par contre vous, pour lui, vous serez juste de la merde… Les gens sont totalement horribles pendant les soldes. » Je vois déjà des filles se crier dessus pour avoir le dernier ampliforme en 90B bleu canard – que je viendrais d’admirablement bien recintrer -, mais je me dis que les doyennes du magasin doivent exagérer pour nous faire peur. « Certaines d’entre vous pleurerons. Vous serez au bord de la crise de nerf tellement le travail s’accumulera », ajoute encore l’adjointe les yeux écarquillés. Elle a l’air de déjà si voir. « Et n’hésitez pas à crier ». « A l’aide ? » me dis-je. « Rappelez aux clients qu’il y a – 50 % sur tout. » Je me sens capable de supporter l’impolitesse d’une bande d’hystérique, de passer 10 minutes au lieu de 10 secondes à ranger un sous-vêtement, d’être debout pendant des heures, mais pas de jouer la poissonnière un jour de marché.  Pour m’assommer complètement, Carine termine : « Vous aurez 5 minutes de pause, pas plus. Et il faudra la prendre quand il y aura le moins de monde ». La responsable nous explique ensuite le « zoning » (où nous serons chacune placées dans le magasin). Je prie pour être dans les coins où il y a plus de pulls, débardeurs et pantalons de nuit à plier que de balconnets ou de strings. D’ailleurs excusez-moi mais je dois vous laisser. Comme on nous la conseillé, j’ai un coup de main à prendre.

Bref, j’étais à Marseille

11 Déc
Marseille. Crédits DJ

Marseille. Crédits DJ

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La faim à l’épreuve de la foi

11 Déc

Depuis le 10 juillet, tous les musulmans fêtent le ramadan, l’un des cinq piliers de l’Islam qui correspond à un véritable travail personnel mais qui se célèbre pourtant en famille. Les Celepci, à Molsheim, ne font pas exception.

Dans la cuisine, Nazmiye, maîtresse de maison, termine les derniers préparatifs avant l’arrivée de ses invités. Ce soir, pour fêter le ramadan, ils seront huit autour de la table. Pour eux, c’est l’un des moments forts de l’année. Il correspond à un choix très personnel : « C’est entre soi et Dieu. Le
faire est une décision très personnelle. Ceux qui décident de ne pas le fêter ne sont pas pour autant de mauvais musulmans », affirme Ali, le fils de Nazmiye et Mevlut. Chez eux, personne ne se sent obligé. Leur conscience est leur seul juge. Avec Dieu. « C’est une période où on se purifie, on se remet en question et on essaye d’être meilleur », poursuit Ali. Le salon se remplit peu à peu. Fatma, l’aînée de la famille est venue avec son mari et ses deux enfants de Bischwiller. Ces derniers sont trop petits pour suivre le jeûne. Les personnes âgées trop faibles ou les malades sont aussi exemptés.
« Le but ce n’est pas de se faire souffrir », lance le jeune homme, alors qu’arrivent Muhammet et Sabria. Difficile d’imaginer que depuis le lever
du soleil ils n’ont rien avalé. Et pour pourtant. Pas une goutte d’eau. Pas une sucrerie. Nazmiye n’a même pas pu goûter du bout de la langue les plats qu’elle a concoctés pour la famille. L’assaisonnement s’est fait à l’expérience. Ce soir-là, c’est à 21 h 21 qu’ils brisent le jeûne en avalant une date et un verre d’eau. Loin d’être une obligation, ce rituel est plutôt une tradition. Ensuite seulement, ils goûteront les mets réalisés par la maîtresse de maison. La soupe de lentille se mange avec un morceau de pain moelleux et aéré. Les börek farcis aux lentilles croustillent en bouche. Les graines de sésames libèrent ce petit goût de noisette et restent de temps en temps coincées entre les dents. Ils s’accompagnent de feuilles de vignes, un véritable rafraîchissement pour le palais.

La foi plus forte que la tentation

Pour cette famille, ce repas est une véritable récompense. « Les premiers jours, c’est difficile, raconte Nazmiye, puis le corps s’habitue. » Sabria, qui est enceinte et qui donc, « passe son tour » cette année, complète : « Ce n’est pas aussi dur que ce qu’on croit ». Pour eux, pas de tentation : « Ce qui donne la force de ne pas craquer c’est la foi, sinon on ne ferait pas le ramadan », affirme Sabit, le mari de Fatma. Après quelques boulettes de viandes englouties, Ali se lève. L’appel de la nicotine. Pendant le ramadan, la cigarette est autant proscrite dans la journée qu’un morceau de pain. « Je suis le premier à sortir de table, alors nous faisons une brève prière », explique-t-il. Tous ouvrent leurs paumes demain vers le ciel et Ali commence à réciter quelques phrases en turc. « Nous avons remercié Dieu pour ce repas et nous avons eu une pensée pour tous ceux qui n’ont pas cette chance », traduit-il. Cette première bouffée de nicotine, il l’attend depuis la nuit dernière. Pendant ce temps, le papa a filé à la salle de prières du centre socioculturel franco-turc de Molsheim. Le repas se poursuit pour les autres. Entre deux gorgées de café turc,Mélina, la petite dernière de la famille récolte toutes les attentions. Il faut dire que la fillette a une sacrée frimousse d’ange. En fond, les publicités de la télé turque défilent, exhibant des paysages magnifiques. « Certains vont en Turquie juste pour le ramadan, c’est très spécial là-bas à cette période. Tout le monde est dehors, c’est la fête tous les soirs », raconte Sabria en avalant un loukoum, ce gâteau très sucré et gélatineux. À côté, son mari Muhammet redemande du café. L’écume de la mousse colle aux parois de la tasse et laisse une petite moustache éphémère au-dessus de ses lèvres. Certains d’entre eux se relèveront plus
tard dans la nuit pour grignoter un morceau. D’autres guetteront le lever du soleil en fumant une dernière cigarette. La dernière avant plusieurs heures.

D. Jung

Crocus sativus: l’or rouge

11 Déc

Patrice Sanchez s’est lancé un pari fou : cultiver du safran, cet or rouge dont la culture est peu connue en France.Un défi dont il compte récolter les fruits dès l’année prochaine, pour en faire profiter ses amis et peut-être les restaurateurs.

L'or rouge. Crédits DJ

L’or rouge. Crédits DJ

L’or rouge pousse en Alsace. À Flexbourg, plus précisément, et dans le jardin de Patrice Sanchez. Passionné de la nature, il possède déjà une pépinière dans les Vosges, dans laquelle il s’approvisionne pour vendre des sapins de Noël.  « Mais j’avais envie d’essayer autre chose. » Il décide donc de se lancer dans la culture du safran.

L’Inde, le Maroc ou encore l’Iran font partie des plus gros producteurs de cette épice considérée comme la plus chère au monde. Mais ce n’est pas sa prestigieuse renommée qui a convaincu Patrice. « Après plusieurs recherches, j’ai découvert que les bulbes de safran résistaient aussi bien à -20 °C qu’à 40 °C. » Mais c’est aussi une multiplication exponentielle assurée : « Fois cinq, affirme Patrice, et s’il y a un bon roulement, on n’a pas besoin de racheter des bulbes, normalement. » Pragmatique, l’apprenti cultivateur se lance dans la recherche sur internet de ses fameux bulbes. « En France,
c’est extrêmement cher, alors j’ai pensé aux Pays-Bas, la nation du bulbe par excellence. » Bingo ! Il fait donc importer 1 200 bulbes du pays des tulipes. « J’avais besoin de grandes quantités pour faire des essais. » Car cultiver du safran ne s’improvise pas. Patrice, en fin connaisseur, met plusieurs années à tester  différentes terres dans lesquelles il plante une série de bulbes. « J’ai essayé dans une terre légère que j’ai achetée, une terre plus lourde, et enfin, une terre enrichie en terreau, à chaque fois sur une surface de 10 à 15 m². » Dans la culture du safran, deux écoles s’opposent : soit la culture se fait sur un cycle de trois ans, durant lequel le producteur attend que le bulbe grossisse. L’autre technique est une culture annuelle où les bulbes sont replantés chaque année. Patrice a choisi la patience. « Ou plutôt la technique fainéante, celle sur trois ans », s’amuse-t-il. Cette année sont apparus ses premiers résultats. Une première récolte: « Je me suis rendu compte qu’un terrain naturel réussissait le mieux à la plante. » Dans une terre souple par exemple, Patrice a observé que ses pousses étaient dévastées par les nombreux nuisibles, comme les mulots. « J’ai perdu 700 bulbes comme ça », avoue-t-il. La terre naturelle, sans engrais quelconque, devrait donc faire le bonheur du producteur. « Je n’ai aucun intérêt à traiter, je ne veux pas en faire une grosse culture. »

Entre 30 et 70 euros le gramme de safran

Il a pu récolter ce mois-ci des fleurs plantées en juillet-août. Mais le travail est fastidieux : « Une fleur peut arriver d’un jour à l’autre. Il faut faire des récoltes journalières et dans l’idéal le matin, avant que les limaces commencent à ravager les fleurs et avant que les rayons du soleil n’altèrent les stigmates, ces trois longs filaments rouges qui entourent le pistil. » Ce sont ces langues de feu qui seront ensuite prélevées. « La technique est simple. Une fois que j’ai cueilli la fleur, je fais tourner un peu la tige entre mes doigts et les stigmates s’enlèvent tout seul. » Il faut ensuite les faire sécher. Et là, c’est système D : « Je les mets au four, mais il faut faire très attention à bien le régler », prévient Patrice. Les détails sont en effet importants, car pour recueillir un gramme de safran, « il faut environ entre 200 et 250 fleurs ». Pas question de gaspiller, donc. Surtout quand on connaît la valeur de l’or rouge qui ne porte pas son nom pour rien. « Un gramme de safran coûte entre 30 et 70 euros, cela dépend », explique Patrice.

D. Jung

La suite à lire dans les DNA du 25 octobre 2012 / pages locales de Molsheim-Obernai.

Les communes tirent le gros lot

13 Nov

Début 2015, les baux de chasse seront renouvelés en Alsace.Une source de revenus qui n’est parfois pas négligeable pour les communes du secteur.

La chasse. Crédits: sepaq.com

La chasse. Crédits: sepaq.com

Le 2 février 2015, ils auront signé pour les neuf prochaines années. Comme le prévoit le droit local, les baux de chasse sont en plein renouvellement.
Différents modes d’attribution des lots existent, mais la plupart des communes, d’après un président d’un groupement cynégétique, ont choisi le gré à gré. Pour certaines communes, le gain est conséquent. Russ par exemple, est doté de quatre parcelles qui regroupent 880 hectares de forêt. « Les lots forestiers sont beaucoup plus prisés et ont des loyers plus élevés que ceux de plaine », précise le président de l’un des groupements cynégétiques. « Depuis 36 ans, nous avons le même locataire sur les lots 1 et 3, deux autres louent les lots 2 et 4 », explique le maire de Russ Marc Girold.

« Cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes »

Les locataires sortants ont jusqu’au 1er novembre pour exprimer leur intention ou non de renouveler leur bail. « Mais cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes », poursuit l’élu. Parmi elles, un contrôle par corps des chevreuils, l’obligation de faire un point annuellement
sur le plan de chasse sans quoi la commune se réserve le droit de rompre le bail, ou encore, après plusieurs avertissements à l’adjudicateur, le versement de 500 € pour tout propriétaire particulier qui aurait à déplorer des dégâts de gibier. Marc Girold justifie : « Le fonds d’indemnisation
des dégâts de sanglier n’est versé qu’aux exploitants agricoles et ne concerne pas les particuliers. Ensuite, nous estimons que c’est bien beau de percevoir un loyer grâce à la chasse, mais si parallèlement nous constatons toujours de lourds dégâts, cela ne sert pas à grand chose. » Et les loyers perçus ne sont pas pour déplaire aux communes. Pour Russ par exemple, cela s’élève à 45 000 € par an, sur un budget d’environ 1,3 million d’€.
Le loyer du lot 1 par exemple (559 hectares dont 321 boisés) s’élève à 17 050 € par an. À Plaine, commune qui loue cinq lots, le produit net de la chasse s’élève à 40 769 € par an. « Il faut y enlever la cotisation accident agricole qui s’élève à 8 000 €», précise Pierre Grandadam, le maire. À Westhoffen, il est d’environ 54 000 € par an. « Sur cette somme, il faut retirer 30 000 € de cotisation accident agricole et parfois, certaines années, nous prélevons
encore 30 000 € pour l’entretien de la voirie rurale car notre commune ne dispose pas d’association foncière », explique Pierre Geist, maire du village.

Delphine Jung

Lire l’article complet dans les DNA du samedi 23 octobre – Pages locales de Molsheim-Obernai

MINUTE VÉGÉTARIENNE_Billet d’humeur

Et l’Homme dans tout ça ?
Pour certains, il est difficile d’envisager la mise à mort d’êtres sensibles pour le plaisir, même si l’excitation de la traque peut être compréhensible. Un peu comme le ferait un féru de photo qui campe des heures pour apercevoir le groin d’un marcassin. Pour justifier cette passion, certains chasseurs évoquent les dégâts des sangliers qui remuent la terre, les écorçages et l’abroutissement. Et si nous en cherchions les causes ? La surpopulation de sangliers est due à l’absence de prédateurs naturels comme le loup ou le lynx comme l’a souligné un élu. À qui la faute ? Elle est aussi due au changement climatique : les températures plus douces depuis quelques années ont joué un rôle important dans la non baisse de mortalité des marcassins. Là encore, à qui la faute ? On a donc besoin aujourd’hui de « réguler » la population du gibier. Ce dont la nature, jusqu’à ce que l’action de
l’humain ne vienne tout chambouler, s’occupait très bien toute seule.
Il semble facile de traquer les cerfs et sangliers pour les empailler. Pourquoi pas pour les stériliser ? Un coût probablement élevé mais à long terme, peut-être la panacée. Moins de sangliers donc moins de dégâts. Moins de chevreuil donc la forêt mieux préservée. Et le tout, sans tirer une seule balle. Est-il question de placer les sangliers et les biches au-dessus des hommes ? Non. Être vraiment Homme, c’est-à-dire un animal avec quelque chose
en plus, c’est aussi mettre sur un pied d’égalité ce qui est humain et ce qui ne l’est pas.