Crocus sativus: l’or rouge

11 Déc

Patrice Sanchez s’est lancé un pari fou : cultiver du safran, cet or rouge dont la culture est peu connue en France.Un défi dont il compte récolter les fruits dès l’année prochaine, pour en faire profiter ses amis et peut-être les restaurateurs.

L'or rouge. Crédits DJ

L’or rouge. Crédits DJ

L’or rouge pousse en Alsace. À Flexbourg, plus précisément, et dans le jardin de Patrice Sanchez. Passionné de la nature, il possède déjà une pépinière dans les Vosges, dans laquelle il s’approvisionne pour vendre des sapins de Noël.  « Mais j’avais envie d’essayer autre chose. » Il décide donc de se lancer dans la culture du safran.

L’Inde, le Maroc ou encore l’Iran font partie des plus gros producteurs de cette épice considérée comme la plus chère au monde. Mais ce n’est pas sa prestigieuse renommée qui a convaincu Patrice. « Après plusieurs recherches, j’ai découvert que les bulbes de safran résistaient aussi bien à -20 °C qu’à 40 °C. » Mais c’est aussi une multiplication exponentielle assurée : « Fois cinq, affirme Patrice, et s’il y a un bon roulement, on n’a pas besoin de racheter des bulbes, normalement. » Pragmatique, l’apprenti cultivateur se lance dans la recherche sur internet de ses fameux bulbes. « En France,
c’est extrêmement cher, alors j’ai pensé aux Pays-Bas, la nation du bulbe par excellence. » Bingo ! Il fait donc importer 1 200 bulbes du pays des tulipes. « J’avais besoin de grandes quantités pour faire des essais. » Car cultiver du safran ne s’improvise pas. Patrice, en fin connaisseur, met plusieurs années à tester  différentes terres dans lesquelles il plante une série de bulbes. « J’ai essayé dans une terre légère que j’ai achetée, une terre plus lourde, et enfin, une terre enrichie en terreau, à chaque fois sur une surface de 10 à 15 m². » Dans la culture du safran, deux écoles s’opposent : soit la culture se fait sur un cycle de trois ans, durant lequel le producteur attend que le bulbe grossisse. L’autre technique est une culture annuelle où les bulbes sont replantés chaque année. Patrice a choisi la patience. « Ou plutôt la technique fainéante, celle sur trois ans », s’amuse-t-il. Cette année sont apparus ses premiers résultats. Une première récolte: « Je me suis rendu compte qu’un terrain naturel réussissait le mieux à la plante. » Dans une terre souple par exemple, Patrice a observé que ses pousses étaient dévastées par les nombreux nuisibles, comme les mulots. « J’ai perdu 700 bulbes comme ça », avoue-t-il. La terre naturelle, sans engrais quelconque, devrait donc faire le bonheur du producteur. « Je n’ai aucun intérêt à traiter, je ne veux pas en faire une grosse culture. »

Entre 30 et 70 euros le gramme de safran

Il a pu récolter ce mois-ci des fleurs plantées en juillet-août. Mais le travail est fastidieux : « Une fleur peut arriver d’un jour à l’autre. Il faut faire des récoltes journalières et dans l’idéal le matin, avant que les limaces commencent à ravager les fleurs et avant que les rayons du soleil n’altèrent les stigmates, ces trois longs filaments rouges qui entourent le pistil. » Ce sont ces langues de feu qui seront ensuite prélevées. « La technique est simple. Une fois que j’ai cueilli la fleur, je fais tourner un peu la tige entre mes doigts et les stigmates s’enlèvent tout seul. » Il faut ensuite les faire sécher. Et là, c’est système D : « Je les mets au four, mais il faut faire très attention à bien le régler », prévient Patrice. Les détails sont en effet importants, car pour recueillir un gramme de safran, « il faut environ entre 200 et 250 fleurs ». Pas question de gaspiller, donc. Surtout quand on connaît la valeur de l’or rouge qui ne porte pas son nom pour rien. « Un gramme de safran coûte entre 30 et 70 euros, cela dépend », explique Patrice.

D. Jung

La suite à lire dans les DNA du 25 octobre 2012 / pages locales de Molsheim-Obernai.

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