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Une pause canadienne

6 Fév
Oui c'est beau ! Photo DR

Oui c’est beau ! Photo DR

Voilà, je délaisse croute_toujours pour quelques temps. Mais vous qui m’aimez (LAULE), vous pouvez suivre mes nouvelles aventures ici. J’espère que vous ne serez pas déçus du voyage !
A bientôt !

Delphine

Vis ma vie de vendeuse: J3

16 Jan

Le jour où j’ai réussi à faire un top 10 des clients

Voilà, aujourd’hui, c’est mon dernier jour. Autant dire que j’ai le recul nécessaire pour établir un petit top 10. LAULE.

Numéro 1 La vieille riche qui est tombée dans CE magasin mais qui cherchait en fait les Galeries Lafayette: Souvent, elle sent très fort. Vous savez, ce parfum qui évoque à lui seul l’égo surdimensionné et les manières hautaines de ce genre de femmes. Je les repère assez vite du coup. Elle s’approche avec son petit air supérieur et tire une moue devant l’étal (pourtant bien rangé n’est-ce pas). Elle prend chaque vêtement en pinçant son pouce et son index. Il ne faudrait pas que ses mains douces soient salies par le « bas-de-gamme ». Dans son extrême bonté, elle tente souvent de replier ce qu’elle a déplié. Mais comme il ne faut pas trop toucher vous savez…

 

Ce sont souvent elles qui viennent et me demandent: « Vous avez des pyjamas 100% cotons? »… « Heuuu tu crois que j’ai que ça à faire de plier en regardant la composition de chaque fringue??  » « Heuuu il doit y en avoir oui ». Ensuite, elles te prennent souvent comme une vendeuse à leur service personnel: « Vous pouvez me chercher ça en taille M? » « Cherche toi même pétasse. » « Oui bien sûr, attendez ». C’est là que tu te retrouves à déplier TOUTE la jolie pile de t-shirt que tu viens de faire. Pour ne pas trouver de taille M. Le plus souvent, c’est là que la vieille riche venue ici par erreur s’en va.

Numéro 2 L’adolescente peinturlurée: Ce spécimen se balade généralement en bande. C’est déjà physiquement qu’elle se fait repérer. La plupart du temps, elle est glossée. Fond-de-teinturée. Bien coiffée avec sa petite pince à cheveux fluo. Elle mâche ostensiblement son chewing-gum et laisse apparaître un piercing à la langue. Elle en a aussi un à côté de l’œil ou de la lèvre. Doré. Elle a forcément sur elle un accessoire imprimé léopard et porte son sac à main le coude plié.

En bande, je les entends glousser dès leur arrivée. Honnêtement, ce sont presque les PIRES. En plus de parler extrêmement fort elles te foutent le bordel dans tout ton étal. Quand je dis tout l’étal, c’est vraiment TOUT l’étal. Elles prennent toujours l’article du haut de la pile, le déplient, le regardent et le jettent à 10 mètres après l’avoir furtivement montré à l’une de leur « coupines » (oui, entre elles, elles sont cOUpines). Et elles font ça comme des exécutants de peloton. Mécaniquement. Leur plan suit simplement les contours de ma table. Le pire, c’est lorsque l’une d’elle dit à sa voisine: « Haaa celui là regarde, il est trop beau (souvent, c’est le plus moche de la table). Je l’ai acheté hier ! » « Alors pourquoi tu le reprends en main, tu le déplies et tu le balances sur la table d’à côté? » . C’est à elles qu’on attribue le plus souvent l’existence des Vêtements Volants Qui N’ont Rien à Faire Sur Ta Table (VVQNRFSTT) et qui viennent de la table à 50 mètres.  Leur mission – et ce n’est pas possible qu’il en existe une autre -, c’est de ne surtout RIEN acheter mais foutre un maximum de bordel dans le magasin. Ce sont souvent elles que j’ai parfois regardé méchamment.

Numero 3 Les hystériques : Une semaine avant les soldes, elles sont à peu près dans cet état. Et cet état ne retombe jamais.

Elles aussi, viennent le plus souvent en bande. Ce sont les seules à te demander l’un de ces sacs à cabas géants pour le remplir AU MAXIMUM. Je suis sensée adorer ces clientes, car elles vont consommer. Et au moins, elles vont se contenter de déglinguer ma table en silence. En me regardant ranger. Amen.

Numéro 5 La gamine de 13 ans: Il y a deux catégories dans cette même catégorie. La gamine de 13 ans qui vient sans sa mère et celle qui vient avec. Celle qui vient sans est (a priori) une future ado peinturlurée. Elle en a déjà les mimiques en tout cas: port de la tête bien haut. Dégaine hautaine. Sac à main comme il faut. Et elle paie le plus souvent avec un gros billet de 100€. Merci Papa Noël. Celle qui vient avec sa mère est plus calme. « Vous avez quoi en plus petite taille de soutien-gorge? » demande la mère en montrant sa fille d’un signe de tête. « Du 80A je crois… » Sa fille est plate comme une planche à pain avec deux Smarties plantés de part et d’autre. Bon courage.

Numéro 6 Le mec blasé qui suit sa copine: Celui-là, il reste à l’écart. Collé à la barrière anti-vol de l’entrée. Jusqu’à ce que le gars de la sécurité lui explique: « Excusez-moi, vous pouvez vous décaler? En fait vous êtes juste au niveau du compteur automatique ». Mine déconfite du client. Du coup, les mains dans les poches, il retrouve sa douce. Pas vraiment intéressé par son shopping. Mais au moins, il ne touche à rien.

Numéro 7 Bonnie & Clyde: L’ado peinturlurée + son mec avec cette coupe de cheveux:

Tous les deux sont unis par le même but: mettre le bazar en criant. Et c’est encore mieux quand ils ont un gamin dans une poussette GÉANTE. (Avis aux fabriquants de poussettes: merci d’arrêter avec vos poussettes géantes. Elles ont un problème: elles sont géantes. Et en plus, y en a qui les utilisent pour voler des habits dans le magasin.)

Numéro 8 Les bien élevées: Souvent, ce sont celles qui te disent « bonjour » avant même que tu aies le temps de lancer le tien. Et puis elles sourient. Elles compatissent: « Hé ben, vous en avez du courage », « Ma pauvre, je vous plains » etc. Des filles bien quoi. Ce sont elles qui vont joliment replier ce qu’elles ont pris en main.

Numero 9 Les connasses: Oui, en fait, il y a pire que les mémés qui puent le Chanel n°5 (oui parce que bon, faut arrêter, il pue le Chanel n°5). Pire que les grognasses über-maquillées. Celles-là, je ne les ai pas trop observées tellement elles m’ont énervée. Elles arrivent (sans dire bonjour), te regardent droit dans les yeux en te disant « Vous n’avez pas fini de plier ma pauvre », tout en déglinguant ton rangement. Comme ça. SANS AUCUNS SCRUPULES. Et toi, ben tu dis rien.

Numéro 10 Celles qui te prennent pour leur Cristina Cordula perso: Elles sont assez rares. Mais tellement lourdes. Elles pensent que ton boulot, c’est de les conseiller. Mais juste elles. Ça commence souvent gentiment. « Vous taillez comment? »

 

Vous taillez comment? Vous taillez comment? Réfléchissez au sens de cette question. C’EST QUOI CETTE QUESTION? « Ben en fait, on taille avec un burin et un marteau« . « Normal, un M par exemple correspond à du 38/40 ». Elle t’a alors mis le grappin dessus. « Vous l’avez en noir ça? » « Vous pensez que ce haut ça irait avec ce bas? » « Vous croyez que ça m’irait ça? », « Vous n’en n’avez pas en stock? », « Vous pouvez me chercher un short taillé comme ça? Je crois que ça va avec ma morphologie ». Elle te fait perdre ton temps plus qu’autre chose. Mais tu ne peux pas l’envoyer bouler.

Heureusement, il y a aussi plein de gens normaux qui n’entrent dans aucune catégorie. Et parfois, il y en a qui sont un peu tout à la fois. Quoi qu’il en soit: Ouf, aujourd’hui, c’est mon dernier jour !

En partant, je serai un peu comme ça:

Puis en rentrant:

Vis ma vie de vendeuse: J2

14 Jan

Le jour où j’ai arrêté de croire en l’humanité

[Soutien-gorge cintrés: 40; « Allez-y, tout est à -50% » criés: 3; Regards méchants lancés: 0: Envies de meurtre: 25;]

Je dois vous l’avouer: j’aurais du travailler à la boutique jeudi et vendredi, mais j’avais la grippe. Si si. Ce n’est pas un subterfuge pour éviter de voir l’horreur de notre société en temps de soldes. C’est donc plus ou moins fraîche que j’arrive le samedi, à 15h. J’entends ma chef donner quelques consignes: « Tu mets les meilleures en zone 1 et 3… ». Je suis placée en zone 1. Tu m’étonnes ! Je suis tellement une psychosée du rangement que je dois être l’une des plus au taquet.

Je rejoints la zone 1. Je m’arrête net quand je la vois. En fait, il n’y a plus vraiment de zone. Il y n’y a plus vraiment de table non plus. Il y a des tas. Même pas de fringues. Ce sont de boules de tissus. Entassées, mélangées. Le tas commence au sol, même pas sur les étals, car toutes les piles sont tombées. Je ne vois même plus ma collègue Virginie qui est de l’autre côté de cette montagne de vêtements. C’est un attentat ! Des débardeurs de la table en zone 3 ont même réussi à voler jusqu’à la nôtre. Virginie a complètement baissé les bras, dépassée par les événements. « Comment tu fais Delphine? », me demande-t-elle. OK. On va tout reprendre à zéro: règle n°1: ne pas se laisser déborder par le foutoir, d’où la règle n°2: ne pas laisser ledit foutoir s’installer. Sinon, t’es foutue. Le moindre truc que repose une cliente, ce sera 99% du temps mal reposé. Tu le reprends, tu le replies, tu le reposes. Je l’aide donc à reprendre le pouvoir sur sa table. Peu à peu, on y retrouve, au bout d’une heure, un peu d’ordre. L’ordre est relatif durant les soldes. Ma collègue souffle un peu. Je crois qu’elle ne reviendra pas la semaine prochaine. C’est le regard vide et en même temps soulagée qu’elle me laisse. Je m’attendais à perdre quelques compagnons de tranchée car le combat est rude. Encore plus le samedi.

Prendre une pause = quitter le navire = revenir lorsqu’il aura couler

 Le samedi d’ailleurs, pour les clientEs (et je n’ai pas peur de dire CLIENTEEEEEUUUUHHH) c’est un peu comme un soir de pleine lune pour les loups-garous. Elles se transforment. Je me retrouve vite coincée entre deux nanas qui remuent toute la table. Elles ne réalisent même pas le bordel qu’elles sont en train de m’y mettre. Derrière, la corset’ tient à peu près le coup. Elle résiste. C’est plus facile de faire un carnage dans une pile de short.

J’ai depuis longtemps laissé tomber le sac gigantesque à proposer aux clientes. Qu’elles se demerdent. Ce sac à cabas est plus encombrant qu’autre chose et m’empêche d’avancer dans ma lutte pour l’ordre. Je ne beugle plus non plus le blabla sur les -50%. J’ai d’autres priorités. Sur ma montre, l’heure tourne et mon envie de prendre ma pause prend de l’ampleur. Mon dos n’en peux plus et j’ai envie de toutes les étouffer avec ces shorts hideux. Mais une partie de moi le sait: « Prendre une pause = quitter le navire = revenir lorsqu’il aura couler = repartir avec un radeau percé pour reconstruire un navire ». Et puis merde. J’y ais droit à ma pause. Mais je culpabilise, assise dehors, sur les marches froides de l’immeuble d’à côté. Lorsque je reviens, 5 minutes plus tard, ma table ressemble à ça: (Vous pouvez le dire, elle ne ressemble à rien).

Oui c'est flou. Qu'on me pardonne. Crédits: DJ

Oui c’est flou. Qu’on me pardonne. Crédits: DJ

Je me rends compte du réel problème (si on écarte que la base du problème = le client). Il y a 3000 fois trop d’articles sur cette table qui est beaucoup trop petite. Forcément les piles sont immenses. Forcément elles tombent. On respire, on prend sur soi et tout ira bien. Je jette alors un coup d’oeil à la corset’. C’est par là que je vais (re-re-re)recommencer l’arrangement de ma zone. Je ne sais pas si les femmes deviennent profondément débiles en période de soldes, mais je me demande. Elles ne savent même plus raccrocher correctement un soutien-gorge ou un shorty. J’en sors des portants par paquets. Tout est enguirlandés. Et ma tête à ce moment là, c’est à peu près celle-là:

Et ce que je vois, c’est ça:

Crédits: DJ

Crédits: DJ

Putain encore quatre jours.

 

Vis ma vie de vendeuse: Jour J

11 Jan

Le jour où j’ai compris que pendant les soldes, s’il y a du bordel, ce n’est pas à cause de l’incompétence des vendeuses, mais bien de la négligence des clients.

[Soutien-gorge cintrés: 15; « Allez-y, tout est à -50% » criés: 25; Regards méchants lancés: 1]

Ça y est, je suis dans la place ! Ou plutôt dans ma zone. La zone 1. Je suis de bonne humeur lorsque j’annonce à ma collègue que je prends la relève. Elle me lance: « Ohhh merci, j’en peux plus, c’est horrible ». Ha. Ça donne envie… Pourtant, elle s’est bien débrouillée. La table centrale est pas mal et la corset’ (soutien-gorge et culotte d’un côté, boxers pour hommes de l’autre) est proprement alignée sur ses portants. J’ai à peine le temps d’observer ma zone, que des clientes entrent dans le magasin telle une tornade, armées de leurs gigantesques sacs à main et prêtes à en découdre avec l’ordre qui règne sur ma table. Tel un mauvais sort jeté contre moi, ces forces de la nature ont décidé aujourd’hui de détruire mon travail. De 15 h à 20 h. Elles saisissent un short, le retournent, le reposent, elles en prennent un deuxième, fouillent dans ce qui devient rapidement un tas. Il y en a des doux, d’autres en laine, des imprimés léopards, des unis, des très moches aussi (celui avec les sept nains de Blanche Neige est vraiment affreux, d’ailleurs, peu de clientes le prennent en main).

C’est comme essayer de remplir un sceau percé.

Patiemment, je reprends ce qu’elles ont reposé et m’empresse de tout replier. Très vite, je me retrouve face à un problème de taille: il me faudrait une table vide à côté, pour rassembler au moins les modèles avant de les replier. Je ne dispose pas de cet espace. C’est assez troublant. Et énervant. Du coup je superpose. Je fais mon tas de short en satin noir sur celui de short imprimés Bambi, qui lui-même est posé sur un tas désorganisé. En arrivant dans ma zone, j’étais plutôt soulagée de voir que j’avais surtout des fringues à plier plutôt que des balconnets à cintrer. Mais je vais vite comprendre mon malheur: C’est comme essayer de remplir un sceau percé. Encore et encore. C’est comme pousser cette pierre en haut de la montagne, la voir rouler de l’autre côté et recommencer la manœuvre. Le mythe de Sisyphe vous connaissez?

Bizarrement, ma patience tient bon. Je crois que ça vient du fait que j’aime les choses bien rangées. Mais au bout de deux heures de pliage, repliage, re-repliage, RE-re-repliage, ça devient frustrant. A peine je termine de remettre en place un bout de la table, que dix secondes (et encore…) suffisent à un groupe de harpies d’une quinzaine d’années pour tout remettre en désordre de l’autre côté. Et je ne peux qu’observer mes efforts partir en fumée. C’est horrible. Je prends sur moi. Mais plus le temps passe, plus j’ai envie de leur demander gentiment de respecter mon travail. Puis de leur lancer des regards destructeurs. Puis carrément de leur gueuler dessus. Voir de créer avec mes bras un périmètres de sécurité: « PAS TOUCHE! » C’est tout de même pas compliqué de reposer joliment un article qu’on a déplié non ? Les pires, ce sont ces jeunettes de 17 ans, peinturlurées au possible, fond de teintisées comme des Maserati et qui mâchent ostensiblement leur chewing-gum faisant claquer leur langue. Celles-là, elles ne regardent même pas les articles qu’elles prennent en main. Elles les jettent directement 50 cm plus loin. Comme si c’était drôle.

Ma zone est très bien rangée oui. Crédit: DJ

Ma zone est très bien rangée oui. Crédit: DJ

Heureusement, certaines clientes sont plus sympas: « Vous êtes vendeuse ici? Vous pensez que ça m’irait bien ça? », me demande une cinquantenaire en apposant sur elle une nuisette rouge. « Oui, vous avez le teint mat, les cheveux noirs, c’est une couleur qui vous va bien », je lui réponds. J’ajoute: « Et puis de toute façon, vous avez 30 jours pour échanger ou vous faire rembourser ». Je suis déjà experte ! Je lance même un « Allez-y, tout est à moins 50%! » J’ai osé. Et j’ai honte. Mais au bout d’un moment, ça devient presque mécanique. Comme plier sans réfléchir. Je me dis que le rangement appelle le rangement et que les clients ont bien plus de scrupules à tout envoyer bananer lorsqu’ils voient une table rangée (rangée dans le sens « rangée pendant les soldes », ce qui abaisse le niveau d’exigence du rangement).

Il est 18h30, cela fait 3h30 que je travaille et je n’ai encore pris aucune pause. Cette fois c’est le moment, les pires clients sont passés. Ma chef me lance un regard un peu sceptique: « Elle est comment ta zone? ». « Franchement, elle est nickel », je lui réponds en regardant la table de la zone 3 qui ressemble à un stand de braderie après un bombardement. « Bon, ok, tu peux prendre une pause ». Je me dis « J’avais pas besoin de ton accord! » A 19h40, il n’y a plus que deux clientes dans le magasin. Comme ma zone est quasiment parfaite (si si, j’ose le dire), je dois récupérer le bordel d’une de mes collègues qui n’a pas sût tenir la sienne. La zone 3 justement. C’est assise par terre, à côté d’un tas de vêtements, que je commence à trier. A 20h15 je pars, le dos en compote et surtout les épaules détruites. Ma chef nous félicite et ajoute: « N’en rêvez pas trop cette nuit ! ».

Vis ma vie de vendeuse: cintre 1-0 delphine

8 Jan

Ce mois-ci, en plus de mes piges, j’ai décidé de poser mon CV dans les enseignes de prêt à porter grenobloises dans l’espoir que l’une d’elles, malgré mon manque total de qualification dans le domaine, me donne la chance unique de vivre les soldes de l’intérieur. Moi maso ? Pas du tout. J’adore la mode. Les tissus. Cristina Cordula. Les clients hystériques. Plier. Replier… Non, en fait j’avais juste besoin d’argent. Une marque de prêt à porter de lingerie et de vêtements de nuit me donne ma chance. Bizarrement, je suis plutôt excitée. Quelques jours avant, en flânant dans les boutiques, je me surprends même à étudier la manière dont les brassières et les tangas sont accrochés aux cintres. Histoire d’être rodée.

 

«Les soldes chez nous, ça ne se passe pas comme aux Galeries Lafayette ou chez Minelli »

A la veille de cette épidémie de fièvre acheteuse généralisée, je retrouve donc les autres filles qui seront là pour ces quelques semaines. Elles doivent être aussi maso que moi. Ou au moins autant en manque de beurre dans leurs épinards. On nous donne deux t-shirt de la marque. Sympa ce petit cadeau. Je comprends très vite que c’est surtout pour que l’on puisse se repérer entre vendeuse : « Parce que demain, il y aura tellement de monde que vous ne vous verrez plus. » Puis, on nous briefe : « Devant vous, vous aurez quelque chose comme ça sur les étals », explique l’assistante de la manager, Carine, en nous montrant une pile de soutien-gorge, culottes et débardeurs entassés de manière grossière. Bon. Je m’en doutais, jusque là je ne suis pas vraiment surprise. Le foutoir ne me fait pas peur. Ensuite, elle s’approche des portants et décroche la moitié des petites culottes. Elles pendouillent à moitié dans le vide. « Et ici, ce sera comme ça sur toute la longueur du portant. Les soldes chez nous, ça ne se passe pas comme aux Galeries Lafayette ou chez Minelli ». Les filles autour de moi ne réagissent pas trop et écoutent attentivement, les bras timidement croisées derrière leur dos. Carine nous donne alors à toutes un cintre et un soutien-gorge et nous montre la manœuvre à suivre pour bien le raccrocher. La démonstration à peine terminée (elle a duré 10 secondes), j’ai déjà oublié le premier mouvement. Je me dis que ce ne doit pas être si compliqué. J’essaye. Dans ma tête, j’ai l’impression d’être dans un cours de géométrie dans l’espace. Et j’ai toujours été nulle en géométrie dans l’espace. « Est-ce que la bretelle passe devant puis derrière ? » « Et ce truc il sert à quoi dans l’accrochage ? ». Je tente. Raté. La vendeuse me fait remarquer que la fermeture est bien trop haute. Puis trop basse. Après 5 minutes, je suis la dernière à n’avoir toujours pas réussi à recintrer correctement un soutien-gorge. Je m’exclame : « Il doit y a voir un problème avec le soutien-gorge ». Regard circonspect des autres filles. Bon, il faut croire qu’on n’est pas là pour rigoler. Je me sens pataud. Gauche. J’ai le sentiment de découvrir pour la première fois que j’ai des doigts et je vis l’un de pires moments de solitude de ma petite vie. Après une dizaine d’essais j’y arrive enfin. On me dit surtout que « ça va » pour passer à la suite : les culottes. Je suis un peu plus à l’aise. Juste un peu. « Je vous donne à chacune deux cintres. Vous vous entraînerez ce soir ».

Crédit: Touchstone Picture

Crédit: Touchstone Picture

Après ces travaux pratiques – traumatisant pour ma part. Je suis au niveau – 1000 de la confiance en soi côté travaux manuels – , la manager nous explique « l’ambiance soldes ». Si on peut parler d’ambiance : « Le client qui entre, pour nous, c’est un cadeau. Il va acheter. Par contre vous, pour lui, vous serez juste de la merde… Les gens sont totalement horribles pendant les soldes. » Je vois déjà des filles se crier dessus pour avoir le dernier ampliforme en 90B bleu canard – que je viendrais d’admirablement bien recintrer -, mais je me dis que les doyennes du magasin doivent exagérer pour nous faire peur. « Certaines d’entre vous pleurerons. Vous serez au bord de la crise de nerf tellement le travail s’accumulera », ajoute encore l’adjointe les yeux écarquillés. Elle a l’air de déjà si voir. « Et n’hésitez pas à crier ». « A l’aide ? » me dis-je. « Rappelez aux clients qu’il y a – 50 % sur tout. » Je me sens capable de supporter l’impolitesse d’une bande d’hystérique, de passer 10 minutes au lieu de 10 secondes à ranger un sous-vêtement, d’être debout pendant des heures, mais pas de jouer la poissonnière un jour de marché.  Pour m’assommer complètement, Carine termine : « Vous aurez 5 minutes de pause, pas plus. Et il faudra la prendre quand il y aura le moins de monde ». La responsable nous explique ensuite le « zoning » (où nous serons chacune placées dans le magasin). Je prie pour être dans les coins où il y a plus de pulls, débardeurs et pantalons de nuit à plier que de balconnets ou de strings. D’ailleurs excusez-moi mais je dois vous laisser. Comme on nous la conseillé, j’ai un coup de main à prendre.

Les communes tirent le gros lot

13 Nov

Début 2015, les baux de chasse seront renouvelés en Alsace.Une source de revenus qui n’est parfois pas négligeable pour les communes du secteur.

La chasse. Crédits: sepaq.com

La chasse. Crédits: sepaq.com

Le 2 février 2015, ils auront signé pour les neuf prochaines années. Comme le prévoit le droit local, les baux de chasse sont en plein renouvellement.
Différents modes d’attribution des lots existent, mais la plupart des communes, d’après un président d’un groupement cynégétique, ont choisi le gré à gré. Pour certaines communes, le gain est conséquent. Russ par exemple, est doté de quatre parcelles qui regroupent 880 hectares de forêt. « Les lots forestiers sont beaucoup plus prisés et ont des loyers plus élevés que ceux de plaine », précise le président de l’un des groupements cynégétiques. « Depuis 36 ans, nous avons le même locataire sur les lots 1 et 3, deux autres louent les lots 2 et 4 », explique le maire de Russ Marc Girold.

« Cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes »

Les locataires sortants ont jusqu’au 1er novembre pour exprimer leur intention ou non de renouveler leur bail. « Mais cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes », poursuit l’élu. Parmi elles, un contrôle par corps des chevreuils, l’obligation de faire un point annuellement
sur le plan de chasse sans quoi la commune se réserve le droit de rompre le bail, ou encore, après plusieurs avertissements à l’adjudicateur, le versement de 500 € pour tout propriétaire particulier qui aurait à déplorer des dégâts de gibier. Marc Girold justifie : « Le fonds d’indemnisation
des dégâts de sanglier n’est versé qu’aux exploitants agricoles et ne concerne pas les particuliers. Ensuite, nous estimons que c’est bien beau de percevoir un loyer grâce à la chasse, mais si parallèlement nous constatons toujours de lourds dégâts, cela ne sert pas à grand chose. » Et les loyers perçus ne sont pas pour déplaire aux communes. Pour Russ par exemple, cela s’élève à 45 000 € par an, sur un budget d’environ 1,3 million d’€.
Le loyer du lot 1 par exemple (559 hectares dont 321 boisés) s’élève à 17 050 € par an. À Plaine, commune qui loue cinq lots, le produit net de la chasse s’élève à 40 769 € par an. « Il faut y enlever la cotisation accident agricole qui s’élève à 8 000 €», précise Pierre Grandadam, le maire. À Westhoffen, il est d’environ 54 000 € par an. « Sur cette somme, il faut retirer 30 000 € de cotisation accident agricole et parfois, certaines années, nous prélevons
encore 30 000 € pour l’entretien de la voirie rurale car notre commune ne dispose pas d’association foncière », explique Pierre Geist, maire du village.

Delphine Jung

Lire l’article complet dans les DNA du samedi 23 octobre – Pages locales de Molsheim-Obernai

MINUTE VÉGÉTARIENNE_Billet d’humeur

Et l’Homme dans tout ça ?
Pour certains, il est difficile d’envisager la mise à mort d’êtres sensibles pour le plaisir, même si l’excitation de la traque peut être compréhensible. Un peu comme le ferait un féru de photo qui campe des heures pour apercevoir le groin d’un marcassin. Pour justifier cette passion, certains chasseurs évoquent les dégâts des sangliers qui remuent la terre, les écorçages et l’abroutissement. Et si nous en cherchions les causes ? La surpopulation de sangliers est due à l’absence de prédateurs naturels comme le loup ou le lynx comme l’a souligné un élu. À qui la faute ? Elle est aussi due au changement climatique : les températures plus douces depuis quelques années ont joué un rôle important dans la non baisse de mortalité des marcassins. Là encore, à qui la faute ? On a donc besoin aujourd’hui de « réguler » la population du gibier. Ce dont la nature, jusqu’à ce que l’action de
l’humain ne vienne tout chambouler, s’occupait très bien toute seule.
Il semble facile de traquer les cerfs et sangliers pour les empailler. Pourquoi pas pour les stériliser ? Un coût probablement élevé mais à long terme, peut-être la panacée. Moins de sangliers donc moins de dégâts. Moins de chevreuil donc la forêt mieux préservée. Et le tout, sans tirer une seule balle. Est-il question de placer les sangliers et les biches au-dessus des hommes ? Non. Être vraiment Homme, c’est-à-dire un animal avec quelque chose
en plus, c’est aussi mettre sur un pied d’égalité ce qui est humain et ce qui ne l’est pas.

 

Le best of des correspondants

22 Avr

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Il fallait immortaliser tout ça.

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« La reprise de Greensleeves a illustré, en douceur le soleil, avant le changement de rythme impulsé par un Silent Night swinguant, illustrant la profondeur de la voix de Lisa Doby et se terminant en une éclatante modulation: Hallelujah! Le Sauveur est né. »

« L’enfant au tambour arrivant et s’éloignant a fait scintiller de douceur les yeux du public » …

« Mis à contribution par Lisa Doby, l’auditoire commence à chanter avec les artistes et sur deux octaves la mélodie musicale «tududoutou…» que les auditeurs-chanteurs gardent encore en mémoire… »

TUDUDOUTOU

« En fin de cérémonie, le pot de l’amitié fut un moment d’échanges particulièrement riche. »

« L’association a comme objectif de faire bénéficier des fonds récoltés par leurs animations, l’association ARAME, association qui a comme objectif de contribuer sous diverses formes à la guérison des enfants atteints de cancer. »tumblr_inline_mjwr43nUGu1qz4rgp

« La participation des solistes du professeur de chant Tania Bernhard fut appréciée et Zivile Schmitt, chef de choeur, les choristes de l’ensemble vocal touchèrent aussi le coeur des spectateurs. »

« Décapée au vitriol, l’actualité révèle ce qu’un examen quotidien superficiel n’aurait pas suspecté. Généreusement rhabillés pour l’hiver, amis ou moins amis, en avance sur les soldes, sont chaleureusement brocardés.  »

« Inventant une fable de l’écolo et de l’asphalteur, (rapport à un conseil municipal, passionné), Gérard Nicolas laisse à Jean de la Fontaine le soin de conclure (la fable !) « Ne forçons point nos talents nous ne ferions rien avec grâce, jamais un manant quoiqu’il fasse ne pourrait passer pour galant ». »

« Faute d’herbe actuellement, cette dernière sera offerte à la jeunesse le 2 mars 2013 à l’occasion d’un grand chocolat. »

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« Grande satisfaction pour la commune, l’amicale des ainés de l’Ehn où 35 à 40 personnes se réunissent à chaque réunion, le chemin parcouru depuis 10 ans par la nouvelle équipe des sapeurs pompiers sous la direction de Serge Artzt. »

« C’est un couple passionné de danse folk qui est à l’origine de cette manifestation, dont il est le maître d’oeuvre. »

« Effectif, le remboursement des derniers emprunts, libéré la commune de toute dette »

« Il y a de grandes chances qu’un piéton qui marche s’arrête fréquemment devant et chez un commerçant » … Hum… Un piéton qui marche…

« De la neige immaculée et en quantité impressionnante, non seulement chacun a pu s’adonner à des descentes en luge vertigineuses ou chausser même pour une première fois les skis de fond pour une balade sous un magnifique soleil et ciel bleu. »

« Laurent, à peine plus agé que David Beckham, et qui assume avec aisance sa place en milieu de terrain est ce soir aux manettes » Cherchez le français dans cette phrase.

 » Les harengs, préparés sur place sont prêts, et en remplaçant (sur le banc de touche), le gigot à l’os est chaud à point. » Cherchez le français dans cette phrase.

« Sur la scène, le quatuor «Les Horizons», qui prend le nom de «Lustige Alsaesser» outre-Rhin, propose une musique de circonstance alternant les invites à danser et les poses pour apprécier le repas. Encore une belle soirée proposée par les footeux de Romanswiller. » Cherchez le français dans cette phrase.

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« Pour bon nombre de concitoyens, dès 8 h 30 c’était le rendez vous dans la cour de la mairie pour le rendez vous annuel du nettoyage du printemps organisé par la commune ». On ne dit jamais assez le mot RENDEZ-VOUS.

« Le club de foot avait en charge les abords de leur terrain et de l’Espace Pluriel. » Avoir en charge… OK

« La bonne dizaine de pêcheurs équipés de cuissardes n’a pas hésité d’entrer dans l’eau glacée pour retirer pneus, vélos, télé et autres. »

« La simple lecture de ce menu fait saliver, mais pour en bénéficier, il fallait être résident de la maison de retraite ! » Hé merde…

« Certains risqueront peut-être de se casser la voix avec leur casque audio vissé sur les oreilles »

« Jouez hautbois, résonnez musettes, il est né le nouveau CD des Musiciens du chœur » »

« Les poissons mordes à l’hameçon »

« Depuis quelque temps, la ville a fait connaître que «là commence le pays de la liberté» ou encore avec la présence de mannequins «Sans Culottes» aux endroits stratégiques. »

« Dans ce concert il y eut de la compétence et de la conviction et quand les deux sont réunis, c’est OK »

et du même auteur: « Dans une œuvre interprétée, les jeunes musiciens ont mêlé la voix et les gestes aux percussions: ce fut OK »

« Vendredi, l’ACCA de Moidieu-Détourbe organisait son concours de pétanque sur la place du village, assisté par les Amis de la pétanque à la table de marque. »

« D’une surface d’une cinquantaine de mètres carrés, des travaux d’aménagement et de mise en conformité, avérés nécessaires, ont été réalisés par une équipe de chasseurs et non chasseurs, bénévolement. »

Vous avez dit « slim »?

28 Sep

Comme toutes nanas qui se respectent, j’ai besoin de ma dose de shopping. Je pars donc en mission. Comme je suis aussi lobotomisée par les impératifs MODales qu’on nous fourre dans le crâne, je voulais LE pantalon de couleur que toutes les it-girls ont en ce moment. Je sais aussi que rien n’y personne m’en empêchera.

SAUF LE SLIM

Vous le connaissez peut-être mieux que moi. C’est le pantalon moule-chatte du sexe qu’on nomme faible. C’est celui qui hante les vitrines. C’est celui dans lequel Kate Moss montre son petit cul bien rebondi. C’est celui que vous voyez partout, tout simplement. Il vous nargue, vous rappelle qu’il n’épousera jamais vos formes. Parce que oui, le jean slim, c’est le jean des filles minces. Très minces. Les brindilles, les sticks, sans hanches, avec un petit fessier ferme, mais surtout pas de hanches. Seulement voilà, où que vous soyez, il est là, et trône fièrement sur les étals. Il vous hurle « essaye encore ». Vous comme moi, vous êtes des filles fortes, vous vous dites « je l’aurai ce slim, un jour je l’aurai. J’aurai sa peau lorsqu’il collera à la mienne ». Alors vous cherchez votre taille dans ce monticule de fringues. 36. 36. 36. 38. 36. HA enfin, un 40. Là, l’espace d’un instant, vous vous dites: « S’il font des jeans skinny pour les tailles 40, c’est que ça doit m’aller »

Au passage, vous prenez un petit haut mignon, histoire de compléter. Dans la cabine,vous quittez votre petit jean, coupe droite dans lequel vous êtes si bien et vous entreprenez d’enfiler ce magnifique pantalon vert rouge. votre pied glisse contre cette matière douce qu’est le strech. Enfin il parait que c’est du strech. Ca commence déjà à coincer au niveau des mollets. Le pire reste à venir. Il arrive. Vous vous entortillez dans votre putain de jean slim-skinny-serré-(mais)sexy (?). Vous le tirez vers le haut et enfin vous fermez le bouton. (J’ai bien pris du 40?) Là, votre regard se lève. Doucement. Vers la forme exténuée par l’effort qui se reflète dans le miroir. « Est-ce que c’est bien moi? » C’est un échec cuisant. Vous le savez.  Vous n’en aurez jamais.

Credits: Debo

Une journée de grève.

4 Sep

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Elles étaient flambants neuves dans leur petite boite, emmitouflées dans le papier crépon que la vendeuse avait soigneusement mis tout autour d’elles pour les protéger. C’était une paire d’escarpins rouges vernis, avec une grosse boucle pour les fermer, perchées sur un talon de 8cm. Elles avaient été achetées la veille dans un grand magasin parisien. Il leur tardait de sortir en ville: le glissement d’un pied froid dans son décolleté, la dureté de l’asphalte, l’écrasement des autres chaussures dans le métro, le contact doux avec les collants de la femme qui venait de les acheter. C’était sans compter la grève qui se profilait ce jour-là. Ce n’était pas en escarpin que la femme allait manifester. Les petites chaussures rouges allaient rester dans leur boite neuve où elles se sentaient en sécurité. Elles ne verraient pas la lumière du jour se refléter sur leur peau reluisante, elles ne marcheraient pas dans les flaques d’eau et elles ne se coinceraient pas le derrière dans les creux des rues pavées parisiennes.

Imprégnées de l’odeur du magasin d’où elles venaient, le petit autocollant indiquant qu’elles étaient du 39 leur collait encore à la semelle. Ca les grattait. Les autres paires de chaussures les jalousaient. Au début, elles sentirent la chaleur monter en elles, observées de toute part, elles étaient gênées et rougissaient. Des baskets usées et des mocassins troués, des bottes pas cirées et des pantoufles délavées, c’était elles les plus belles. Mais elles ne pensaient qu’à demain. Ce serait enfin à elles de sortir de ce placard puant les pieds.

Delphine J.

Trois heures

23 Fév

Entre Udaipur et Ranakpur - Crédits: Delphine Jung

Le bus m’emmena loin d’Udaipur. A 3 heures de cette ville du Rajhastan. Direction Ranakpur. Je crois que ce fut le plus beau trajet en bus de ma vie. L’engin bleu rouillé traversa tantôt la campagne, tantôt la montagne, à travers des chemins sinueux. Assise sur une banquette en synthétique verte et éventrée, mes fesses collaient à mon pantalon. Les ressorts de mon siège grinçaient à chaque nids de poule que le bus prenait à vive allure.  J’étais trempée. L’air était insoutenable. Presque irrespirable. J’avais l’impression de me trouver dans un sauna à ciel ouvert. Des gouttes perlaient sur mon front et coulaient le long de mes tempes. J’avais beau les essuyer avec un mouchoir crasseux, il n’y avait rien à faire. J’avais décidé de m’asseoir contre une fenêtre qui était légèrement ouverte. Le vent se glissait par la petite fente et je pouvais alors le sentir fouetter ma peau. Cela donnait une impression de fraîcheur, alors qu’il devait faire au moins 45C°. Même si cela faisait 2 semaines que j’étais en Inde, mon corps était toujours abattu par le poids de cette chaleur. Je regardais autour de moi. On aurait dit que j’étais la seule que la moiteur du climat dérangeait. Les Indiens portaient des chemises à manches longues, des pantalons et des souliers bien lacés. En les voyants, on aurait pu croire qu’il ne faisait pas plus de 25C°. Il en faisait presque le double. Les Indiennes, arboraient un sari qui couvrait leurs jambes et leur poitrine, laissant à peine deviner l’une de leur deux épaules. Aucun d’eux ne transpiraient autant que moi. Ma gorge était sèche. Toute l’eau que je buvais ressortait par les pores de ma peau. Mais malgré ce voyage que tout le monde qualifierait d’inconfortable, moi la première, il ne me manquait rien.

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Vraiment RIEN.

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Pas un verre d’eau. Pas un ventilateur. Pas une douche fraîche. Pas un siège plus moelleux. Tout était parfait. Je regardais ces magnifiques paysages qu’on traversait et je me sentais légère. J’avais l’impression d’ouvrir les yeux pour la première fois sur ce monde qui m’entourait. C’était comme une deuxième naissance. Rien n’avait jamais été aussi beau. Le soleil n’avait jamais autant brillé, l’air n’avait jamais senti aussi bon la forêt, les arbres n’avaient jamais eu leurs branches tendues aussi fièrement. La roche n’avait jamais semblée aussi dure. J’avais l’impression d’être prisonnière d’un décor de carte postale où toutes les couleurs avaient été retouchées.

Entre deux immensités verdoyantes, le bus traversait de minuscules villages. A l’image du pays tout entier, il n’y avait pas une seule rue correctement organisée. Au milieu du chemin de terre qui servait de route, des vaches, des poules, des gens sur leur bicyclette. Les femmes portaient sur leur tête de grands seaux pleins d’eau. N’en perdant pas une goutte, elles marchaient tels des funambules, avec élégance. Leur peau était grise de poussière. Seuls leurs saris étaient comme neufs et brillaient en reflétant les éclats du soleil. Leur visage était lisse, leur peau fine et délicate. D’autres fauchaient le blé, leur bébé accroché grâce à un grand drap sur leur dos. Tous ces gens étaient tellement beaux. Aucun ne prêtait attention au bus qui traversait leur village, tandis que moi, je les dévisageais. Ils devaient en voir des dizaines par jour des bus comme celui ci.  Le mien n’était  pas différent des autres. Cabossé, rouillé, sale et mal entretenu.

Temple jain de Ranakpur - Crédits: Delphine Jung

Trois heures plus tard, j’arrivais à Ranakpur. En face de moi, un temple immense et imposant se dressait. J’y restai environ deux heures, et même si l’endroit était magique, je n’avais dans la tête qu’une seule chose.

Les trois heures du trajet retour qui allaient être les plus belles de ma vie.

Delphine Jung