Archive | novembre, 2014

Les communes tirent le gros lot

13 Nov

Début 2015, les baux de chasse seront renouvelés en Alsace.Une source de revenus qui n’est parfois pas négligeable pour les communes du secteur.

La chasse. Crédits: sepaq.com

La chasse. Crédits: sepaq.com

Le 2 février 2015, ils auront signé pour les neuf prochaines années. Comme le prévoit le droit local, les baux de chasse sont en plein renouvellement.
Différents modes d’attribution des lots existent, mais la plupart des communes, d’après un président d’un groupement cynégétique, ont choisi le gré à gré. Pour certaines communes, le gain est conséquent. Russ par exemple, est doté de quatre parcelles qui regroupent 880 hectares de forêt. « Les lots forestiers sont beaucoup plus prisés et ont des loyers plus élevés que ceux de plaine », précise le président de l’un des groupements cynégétiques. « Depuis 36 ans, nous avons le même locataire sur les lots 1 et 3, deux autres louent les lots 2 et 4 », explique le maire de Russ Marc Girold.

« Cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes »

Les locataires sortants ont jusqu’au 1er novembre pour exprimer leur intention ou non de renouveler leur bail. « Mais cette année, nous avons établi des clauses spécifiques très contraignantes », poursuit l’élu. Parmi elles, un contrôle par corps des chevreuils, l’obligation de faire un point annuellement
sur le plan de chasse sans quoi la commune se réserve le droit de rompre le bail, ou encore, après plusieurs avertissements à l’adjudicateur, le versement de 500 € pour tout propriétaire particulier qui aurait à déplorer des dégâts de gibier. Marc Girold justifie : « Le fonds d’indemnisation
des dégâts de sanglier n’est versé qu’aux exploitants agricoles et ne concerne pas les particuliers. Ensuite, nous estimons que c’est bien beau de percevoir un loyer grâce à la chasse, mais si parallèlement nous constatons toujours de lourds dégâts, cela ne sert pas à grand chose. » Et les loyers perçus ne sont pas pour déplaire aux communes. Pour Russ par exemple, cela s’élève à 45 000 € par an, sur un budget d’environ 1,3 million d’€.
Le loyer du lot 1 par exemple (559 hectares dont 321 boisés) s’élève à 17 050 € par an. À Plaine, commune qui loue cinq lots, le produit net de la chasse s’élève à 40 769 € par an. « Il faut y enlever la cotisation accident agricole qui s’élève à 8 000 €», précise Pierre Grandadam, le maire. À Westhoffen, il est d’environ 54 000 € par an. « Sur cette somme, il faut retirer 30 000 € de cotisation accident agricole et parfois, certaines années, nous prélevons
encore 30 000 € pour l’entretien de la voirie rurale car notre commune ne dispose pas d’association foncière », explique Pierre Geist, maire du village.

Delphine Jung

Lire l’article complet dans les DNA du samedi 23 octobre – Pages locales de Molsheim-Obernai

MINUTE VÉGÉTARIENNE_Billet d’humeur

Et l’Homme dans tout ça ?
Pour certains, il est difficile d’envisager la mise à mort d’êtres sensibles pour le plaisir, même si l’excitation de la traque peut être compréhensible. Un peu comme le ferait un féru de photo qui campe des heures pour apercevoir le groin d’un marcassin. Pour justifier cette passion, certains chasseurs évoquent les dégâts des sangliers qui remuent la terre, les écorçages et l’abroutissement. Et si nous en cherchions les causes ? La surpopulation de sangliers est due à l’absence de prédateurs naturels comme le loup ou le lynx comme l’a souligné un élu. À qui la faute ? Elle est aussi due au changement climatique : les températures plus douces depuis quelques années ont joué un rôle important dans la non baisse de mortalité des marcassins. Là encore, à qui la faute ? On a donc besoin aujourd’hui de « réguler » la population du gibier. Ce dont la nature, jusqu’à ce que l’action de
l’humain ne vienne tout chambouler, s’occupait très bien toute seule.
Il semble facile de traquer les cerfs et sangliers pour les empailler. Pourquoi pas pour les stériliser ? Un coût probablement élevé mais à long terme, peut-être la panacée. Moins de sangliers donc moins de dégâts. Moins de chevreuil donc la forêt mieux préservée. Et le tout, sans tirer une seule balle. Est-il question de placer les sangliers et les biches au-dessus des hommes ? Non. Être vraiment Homme, c’est-à-dire un animal avec quelque chose
en plus, c’est aussi mettre sur un pied d’égalité ce qui est humain et ce qui ne l’est pas.

 

Fawad (*), 22 ans, a fui l’Afghanistan pour la France

13 Nov

Fawad a aujourd’hui 22 ans. Il en a 17 lorsqu’il arrive en France et fait alors parti de ce qu’on appelle administrativement les mineurs étrangers isolés. Il raconte sa fuite et son arrivée à Strasbourg. Entre courage et désillusions.

Fawad vient de Ghazni. Crédits: Sgt. Michael J. MacLeod

Fawad vient de Ghazni. Crédits: Sgt. Michael J. MacLeod

 

Son appartement est impeccable. Pour fêter Haft-sin, une fête traditionnelle perse, Fawad, 22 ans, a déposé deux poissons rouges dans un bocal sur sa table, comme cela se ferait chez lui. Le jeune afghan n’a pas toujours vécu dans un si bel appartement. Son parcours est unique mais son destin ressemble à celui des 6 000 autres jeunes administrativement qualifiés de mineurs étrangers isolés présents sur le sol français. Il fait partie de ces adolescents qui ont fuit leur pays et leur culture. Qui ont quitté leur famille et leurs amis pour cet eldorado que semble être la France dans leurs esprits. « J’en avais entendu parler à l’école. On nous disait que c’était un pays démocratique où les gens étaient libres ». La liberté en Afghanistan ne fait pas vraiment partie des valeurs fortes au milieu des années 90 en pleine guerre civile. Les parents de Fawad décident de fuir avec son frère et ses deux sœurs en Iran. Le pays est pourtant hostile aux Afghans. Le racisme envers eux est courant, tout comme les humiliations. Ils n’ont même pas le droit d’aller à l’école. « Les gens ne savaient pas que je n’étais pas Iranien car je parlais leur langue sans accent », détaille-t-il. Ils parviennent pourtant à y rester illégalement pendant 12 ans avant d’être reconduit à la frontière. Sur le chemin, ils se font arrêter : « Deux voitures étaient là et des pachtounes en sont sortis cagoulés », explique Fawad en cachant une partie de son visage. Les souvenirs semblent se brouiller. Pudeur ou réelle confusion ? Fawad n’en dira pas plus : « Je n’aime pas trop parler de ça, c’était très triste ». Le jeune garçon est en effet séparé du reste de sa famille. Depuis ce jour, il n’a aucune nouvelles d’elle.

« Je me dis que je veux juste sauver ma vie »

Prisonniers des pachtounes, il réussi à s’échapper, sans oublier leur butin. Ça pourra toujours servir. Seul et perdu, Fawad n’a que 17 ans et se pose des questions bien loin de celles des ados de son âge : « Est-ce que je vais mourir ? Est-ce qu’il y a de l’espoir dans mon pays ? Je me demande où est ma famille, quand est-ce que je vais la revoir, comment ça va se passer pour moi ?» Il ajoute : « Nous, on voulait juste un endroit pour vivre tranquillement.» Il raconte ça simplement. De cette manière détachée qui impose l’admiration quand on réfléchit à l’horreur de la situation. Au milieu de ces interrogations, une certitude : « J’en ai marre de l’Afghanistan, je ne veux pas y rester et je ne veux pas retourner en Iran. Je me dis que je veux juste sauver ma vie ». C’est l’instinct de survie. Les souvenirs de sa scolarité lui reviennent et la France avec, « ce pays qui respecte les droits de l’homme ». Les passeurs de frontières vont l’aider.

« Tu fais confiance. Tu es obligé »

Difficile pour un gamin de 17 ans de comprendre les mécanismes de cette nébuleuse que sont les réseaux clandestins. Mais l’essentiel, il l’a : de l’argent et un but en tête qu’il ne compte pas lâcher, parce qu’il n’a pas le choix. « Je suis parti avec d’autres gens dans une camionnette, on a même traversé certains endroits à cheval ». Le jeune afghan est prévenu des dangers mais il réussit à rejoindre la côte turque. Face à lui, la mer et surtout la Grèce. De quoi se rapprocher encore un peu plus de la destination finale. Les histoires de traversées clandestines, il les connaît. Fawad fait partie de ceux qui ont rejoint la Grèce en bateau gonflable. Le danger que cela représente ne traverse pas une seconde son esprit. Ce n’est pas non plus le moment pour lui de se poser des questions sur les bonnes ou mauvaises intentions des passeurs : « Tu fais confiance. Tu es obligé ». La suite de son trajet n’est pas plus confortable : « Un camion frigorifique nous a transporté jusqu’en Italie. Il faisait tellement froid. On était caché derrière des caisses pleines d’oranges », se souvient-il. Terminus : Strasbourg. Débrouillard et surtout anglophone, Fawad cherche le chemin de la préfecture. Il sait que c’est là qu’il doit se rendre pour tenter d’obtenir des papiers de circulation. Le système français exige des institutions une vérification de l’âge du jeune. S’il a plus de 18 ans, il ne bénéficiera d’aucune protection. Mais Fawad n’a aucun papier. Agé de 17 ans et demi, au visage déjà marqué, les autorités concluent qu’il est majeur. Il ne sera pas pris en charge. En tout cas, pas tout de suite. « Pendant des semaines, j’appelle le 115 tous les jours d’une cabine téléphonique. Au début c’était vraiment la galère, je ne savais pas du tout parler français, j’étais complètement perdu », raconte-t-il. Dans sa tête, il avait décidé de quitter des violences physiques sans imaginer que ce qui l’attendait serait des violences morales. « Je dormais chez les alcooliques, c’était affreux. Parfois je restais aussi dans la rue mais je n’ai jamais voulu mendier. Je voulais me débrouiller seul ».

« Tant que je n’ai pas la nationalité française, je ne peux pas retourner là-bas »

Fierté et force sont les moteurs de sa survie. Après être passé d’associations en associations il va de foyer en foyer. Mais où qu’il soit, Fawad ne se sent pas bien. Ici, ce n’est pas chez lui. Ici, il est surtout sans sa famille. Sa souffrance psychologique est palpable. « J’étais seul dans ma chambre, je m’ennuyais, je ne voulais pas manger, j’avais de mauvaises idées… » Plusieurs fois, le jeune afghan pense à mettre fin à ses jours. Puis, il prend conscience qu’il est le seul maître de son destin. Et tout passe par l’apprentissage de la langue de ce qui est désormais son pays d’accueil. « J’ai appris par moi-même. J’ai acheté des livres, j’ai demandé à aller à l’école ». Intelligent, il réussi à rentrer dans l’un des plus prestigieux lycées strasbourgeois. Mais Fawad a aussi ses limites. Si sa seconde se passe bien, ce n’est pas le cas de sa première scientifique : « C’était vraiment trop dur. Ils m’ont un peu poussé à faire un bac professionnel. J’aurais voulu redoubler, mais on m’a dit qu’on avait pas les moyens ». Un mineur étranger isolé coûte cher. Et il y en a de plus en plus en France. De 4 000 à 5 000 il y a cinq ans, ils seraient entre 6 000 et 8 000 aujourd’hui. Alors rapidement, il faut que ces jeunes intègrent le marché du travail. En pleine dépression, Fawad ne parvient pas à terminer ses études. Ses nombreuses visites chez un psychologue et le soutien de son éducateur n’y changent rien. Fawad s’y résout : « Ils ne pouvaient pas comprendre ce qui se passait dans ma tête ». Il quitte l’école et reste dans son appartement. Devenu entre temps majeur, il doit désormais se débrouiller pour en payer le loyer. « J’ai déposé des CV dans plein de restaurants ». Cela fait maintenant 7 mois qu’il travaille en tant que serveur mais il aimerait beaucoup reprendre ses études. Aujourd’hui, il a une carte de séjour et de demandeur d’asile. Pourtant, le jeune afghan rêve d’autre chose : « Je voudrais retourner en Iran ou en Afghanistan retrouver mes parents, mais tant que je n’ai pas la nationalité française, je ne peux pas y aller ».

Delphine Jung

 

(*) Le prénom a été changé