La faim à l’épreuve de la foi

11 Déc

Depuis le 10 juillet, tous les musulmans fêtent le ramadan, l’un des cinq piliers de l’Islam qui correspond à un véritable travail personnel mais qui se célèbre pourtant en famille. Les Celepci, à Molsheim, ne font pas exception.

Dans la cuisine, Nazmiye, maîtresse de maison, termine les derniers préparatifs avant l’arrivée de ses invités. Ce soir, pour fêter le ramadan, ils seront huit autour de la table. Pour eux, c’est l’un des moments forts de l’année. Il correspond à un choix très personnel : « C’est entre soi et Dieu. Le
faire est une décision très personnelle. Ceux qui décident de ne pas le fêter ne sont pas pour autant de mauvais musulmans », affirme Ali, le fils de Nazmiye et Mevlut. Chez eux, personne ne se sent obligé. Leur conscience est leur seul juge. Avec Dieu. « C’est une période où on se purifie, on se remet en question et on essaye d’être meilleur », poursuit Ali. Le salon se remplit peu à peu. Fatma, l’aînée de la famille est venue avec son mari et ses deux enfants de Bischwiller. Ces derniers sont trop petits pour suivre le jeûne. Les personnes âgées trop faibles ou les malades sont aussi exemptés.
« Le but ce n’est pas de se faire souffrir », lance le jeune homme, alors qu’arrivent Muhammet et Sabria. Difficile d’imaginer que depuis le lever
du soleil ils n’ont rien avalé. Et pour pourtant. Pas une goutte d’eau. Pas une sucrerie. Nazmiye n’a même pas pu goûter du bout de la langue les plats qu’elle a concoctés pour la famille. L’assaisonnement s’est fait à l’expérience. Ce soir-là, c’est à 21 h 21 qu’ils brisent le jeûne en avalant une date et un verre d’eau. Loin d’être une obligation, ce rituel est plutôt une tradition. Ensuite seulement, ils goûteront les mets réalisés par la maîtresse de maison. La soupe de lentille se mange avec un morceau de pain moelleux et aéré. Les börek farcis aux lentilles croustillent en bouche. Les graines de sésames libèrent ce petit goût de noisette et restent de temps en temps coincées entre les dents. Ils s’accompagnent de feuilles de vignes, un véritable rafraîchissement pour le palais.

La foi plus forte que la tentation

Pour cette famille, ce repas est une véritable récompense. « Les premiers jours, c’est difficile, raconte Nazmiye, puis le corps s’habitue. » Sabria, qui est enceinte et qui donc, « passe son tour » cette année, complète : « Ce n’est pas aussi dur que ce qu’on croit ». Pour eux, pas de tentation : « Ce qui donne la force de ne pas craquer c’est la foi, sinon on ne ferait pas le ramadan », affirme Sabit, le mari de Fatma. Après quelques boulettes de viandes englouties, Ali se lève. L’appel de la nicotine. Pendant le ramadan, la cigarette est autant proscrite dans la journée qu’un morceau de pain. « Je suis le premier à sortir de table, alors nous faisons une brève prière », explique-t-il. Tous ouvrent leurs paumes demain vers le ciel et Ali commence à réciter quelques phrases en turc. « Nous avons remercié Dieu pour ce repas et nous avons eu une pensée pour tous ceux qui n’ont pas cette chance », traduit-il. Cette première bouffée de nicotine, il l’attend depuis la nuit dernière. Pendant ce temps, le papa a filé à la salle de prières du centre socioculturel franco-turc de Molsheim. Le repas se poursuit pour les autres. Entre deux gorgées de café turc,Mélina, la petite dernière de la famille récolte toutes les attentions. Il faut dire que la fillette a une sacrée frimousse d’ange. En fond, les publicités de la télé turque défilent, exhibant des paysages magnifiques. « Certains vont en Turquie juste pour le ramadan, c’est très spécial là-bas à cette période. Tout le monde est dehors, c’est la fête tous les soirs », raconte Sabria en avalant un loukoum, ce gâteau très sucré et gélatineux. À côté, son mari Muhammet redemande du café. L’écume de la mousse colle aux parois de la tasse et laisse une petite moustache éphémère au-dessus de ses lèvres. Certains d’entre eux se relèveront plus
tard dans la nuit pour grignoter un morceau. D’autres guetteront le lever du soleil en fumant une dernière cigarette. La dernière avant plusieurs heures.

D. Jung

Laisser un commentaire